Le papier est-il mort ?

À l’heure du numérique, des réseaux sociaux, des blogs et de l’accès gratuit aux informations, des journalistes invités par Aqui !* s’interrogent sur le devenir de la presse.

De gauche à droite, Yves Harté rédacteur en chef à Sud Ouest, Pierre Haski fondateur de Rue89 et Jöel Aubert président de Aqui ! (photo de M. Depecker)
De gauche à droite, Yves Harté rédacteur en chef à Sud Ouest, Pierre Haski fondateur de Rue89 et Jöel Aubert président de Aqui ! (photo de M. Depecker)

C’est au Rocher de Palmer que les Aquinautes, les Amis d’Aqui ! ont donné rendez-vous cette année aux professionnels et amateurs de presse ! À Cenon, au cœur d’un parc, un complexe insolite, rouge et noir, anguleux offre salles, espaces d’exposition et studios dédiés aux musiques du monde. Mais ce jour, 20 septembre 2013, le maire de Cenon, Alain David, puis le président d’honneur des Aquinautes, Roland Cayrol, accueillent un forum de journalistes sur le thème suivant : « L’information de qualité à l’heure du low cost ». L’Observatoire ne pouvait pas manquer cet événement.

 

« C’est parti mon Aqui ! »

On est tout de suite dans l’ambiance ! Dans l’amphithéâtre, un grand écran affiche en direct une sélection de twitt drôles ou pertinents des participants. Et Antoine Chotard, veilleur à Aquitaine Europe Communication, commence par un petit délire d’interconnexion : grâce aux smartphones, tablettes et autres machines connectées, vous recevrez en temps réel des informations pour parfaire votre jogging, réaliser une recette, mesurer à tout moment votre état de santé, vos performances physiques… parfois sans votre consentement. Alors comment glisser de la réflexion politique ou économique dans cette abondante information individualisée, accessible partout, n’importe quand. En 2011 déjà, on comptait plus d’objets connectés que de gens sur la planète. Vous restera-t-il du cerveau disponible pour la presse ?

 

Low cost industriel

Expression d’Éric Scherer, chargé de la prospective à France Télévisions, qui explique qu’on ne peut plus ignorer que le numérique produit et diffuse l’information plus facilement, moins cher, plus rapidement et parfois mieux qu’avant. Et les nouveaux outils sont adoptés rapidement par le public, il n’y a plus de réelle barrière technologique. Le smartphone est aussi une caméra, une station de télé, une agence de presse… tout le monde peut écrire, diffuser, publier, voir manipuler les lecteurs. Le public, amateur de low-cost dans tous les domaines, conserve un appétit pour l’information mais il la préfère immédiate, gratuite et personnalisée.

 

Journaliste SMS (smart, mobile, social)

Il est vital que le journalisme change pour s’intégrer à ces nouveaux usages. Une exigence qui s’impose à tous les médias, traditionnels et numériques, pour survivre. Pour faire face à la lente agonie de la presse papier, baisse de l’audience, des recettes publicitaires et des petites annonces, la profession doit réagir.

Smart : le journaliste doit maitriser parfaitement la technologie pour gagner du temps, être réactif, diversifier ses supports de diffusion et protéger ses sources.

Mobile : Il doit vérifier ses informations, devenir une référence, un guide dans le chaos d’Internet, il doit être utile, ne pas se contenter des infos dont tout le monde dispose déjà et s’adapter à la demande qui varie en fonction des supports.

Social : il doit être ouvert pour accepter la coopération des lecteurs, des internautes, des experts. Ce qui suppose un peu d’humilité car les journalistes n’ont plus le monopole de la compétence.

 

Financer la qualité 

Mais les bons journalistes, il faut les payer. Pour les gens, acheter des informations sur le web ne va pas de soi car le libre accès est entré dans les mœurs. Certains médias en ligne (des pur players) sont en train de réussir : Médiapart par exemple est indépendant et vit grâce aux abonnements (90 euros par an). Rue89 reste gratuit grâce à la publicité. Des journaux plus traditionnels comme Le Monde, Le Figaro sont payants. Pour eux, il faut assurer sur les deux tableaux, papier et net, car qui sait si le numérique gagnera sur le papier ! Sud Ouest envisage la même chose. Pour faire accepter le paiement par les lecteurs, non seulement la qualité s’impose mais aussi la spécificité des contenus : locaux, professionnels, spécialisés ou d’analyse.

«  Il faut s’adapter au lectorat d’aujourd’hui, les chantiers ne sont jamais finis » c’est le credo d’Eric Bullet, rédacteur en chef à Ouest France. « Il faut expérimenter » plaide Pierre Haski de Rue89 pour trouver des modèles économiques viables.

 

Marie Depecker

*Aqui ! journal en ligne aquitain