Train, amour et fantaisie (Humour)

L'un des rêves de Léo, l'Orient-Express( droits réservés)

 

Un homme, une femme, une gare, un train 

 

Placée sous le signe de l’humour, voici l’histoire de Léo. Elle symbolise une passion pour le train doublée d’un amour fou pour une femme, comme si la même sensualité pouvait émaner de la belle Micheline ou de la puissante Lison[1], locomotive chère à Zola. 

 

Dans la lignée du rail 

Léo est chef de gare d’une petite ville de province, fils d’un contrôleur de la SNCF, neveu de cheminots, les frères Garcin : Garcin Jean, le Bordelais, Garcin Lazare, le Parisien. On l’a appelé Léo en référence à Léo… Ferré, idole de son père. Enfant, Léo rêvait d’être astronaute, il sera chef de gare, de la voie lactée à la voie ferrée, il n’y a qu’un pas. Après son service militaire, effectué dans le train, il devient la locomotive de la vie associative de la ville, et ce, à fond de train. Cycliste performant, il écume les circuits et impose un train d’enfer, cassant le faux train de ses adversaires. C’est sur le quai de la gare qu’il rencontre sa future femme, elle a pour prénom Micheline, on l’aurait parié. La faconde de Léo, véritable boute-en-train séduit la jeune fille, originaire du Cap… Ferret, pour lui plaire elle suit des régimes spéciaux dont la sévérité ferait battre en retraite bien d’autres femmes. Elle est très belle, avec désormais une ligne irréprochable, un arrière-train plantureux et un roulis des hanches, qu’en jargon ferroviaire on pourrait qualifier de tortillard. Léo n’a pu devenir conducteur, chef de gare, il se manie le train pour offrir à Micheline un beau train de vie, il pense avoir accroché le bon wagon.

 

Cocu magnifique[2] 

Le train-train s’installe dans le couple, Micheline, très dépensière mène grand train à l’instar de sa meilleure amie, petite main vivant sur un grand pied, à la maison, la jeune femme n’en fiche pas une rame. Léo s’assombrit, pour satisfaire l’écervelée, doit-il attaquer un train postal comme le Glasgow Londres et réaliser le hold-up du siècle ? Il rêve d’évasion, de grands espaces, d’Orient-Express, de Transsibérien, de TGV, de Capitole, de Corail, avec lui le Mistral serait gagnant. Léo est tellement amoureux du carénage aérodynamique des trains et de la puissance qu’ils dégagent. 

Au dessus de son bureau, il a affiché « Soyez fiers de vos trains », la seule évocation de ce royaume d’essieux fait faire Un grand pas vers le Bon Dieu[3] à ce grand croyant, et ce n’est pas de la littérature. Plus tard, il fera sienne la phrase de Blaise Cendrars : « Et mon œil, comme le fanal d’arrière, court encore derrière ces trains. » 

Un beau jour où il manque vraiment d’entrain, il rentre chez lui sans crier gare et trouve sa compagne dans les bras d’un cheminot, ainsi la légende des chefs de gare et de leur infortune conjugale était bien fondée. Léo n’a pas la réputation de sauter du train en marche, il botte énergiquement le train de son collègue avant de se réfugier sur le quai de la gare, le sifflet coupé. Un passage alcoolisé au buffet le fait complètement dérailler. Quand il redescend sur TER, il s’interroge : son mariage est-il une erreur d’aiguillage ? Il n’a jamais filé le train à son épouse, s’interdisant de jouer les gardes-barrières pour celle qui a forcé le passage à niveau. À la radio on annonce un train de réformes à la SNCF, cela l’indiffère car il a envie de traverser la voie et de braver le panneau « Attention, un train peut en cacher un autre ». 

Léo Garcin va-t-il pouvoir remettre son couple sur de bons rails et sortir de ce sombre tunnel ? 

Il a bien réfléchi, il va pardonner à Micheline et tout faire pour raccrocher le wagon égaré. Il lui faut positiver, tant d’adieux déchirants, tant de pleurs, tant de rencontres sans lendemain ont eu pour cadre un quai de gare et le réseau ferroviaire 

C’est décidé, il va lever les barrières à sa tendre infidèle ! 

Léo et Micheline ont repris le train de la félicité, alors au train où vont les choses et cet épilogue heureux, pourquoi ne pas conclure avec un : « Terminus, tout le monde descend ! » 

Claude Mazhoud


[1] La bête humaine, Émile Zola.

2 Le cocu magnifique, Fernand Crommelynch

[3] Un grand pas vers le Bon Dieu, Jean Vautrin