Le pouvoir des femmes

« La femme a le droit de monter à l'échafaud, elle doit donc avoir le droit de monter à la tribune. » Olympe de Gouges (1748-1793)*

 

Sallebœuf, village aux portes de l’Entre-deux-Mers, le mardi 12 février 2008, il est 20 h. Au Central Café se rassemblent quelques dizaines d’irréductibles adaptes du Café philo, décidés à s’adonner à un remue-méninges impertinent en rébellion contre les soirées canapé-télé. Sous la houlette de Winston Brugmans, professeur de philosophie, ils débattent ce soir sur « Le pouvoir des femmes ».

 

Débat

Le droit légitime le pouvoir. Dans la loi française, le pouvoir des femmes a été reconnu de façon laborieuse et  tardive. Il a fallu que les femmes remplacent leurs compagnons à l’usine et dans les champs entre 1914 et 1918 pour que le législateur se préoccupe de leur sort. Il faut attendre 1944 pour qu’une ordonnance du général de Gaulle « concède » aux femmes le droit de vote. Pour comparaison, les femmes turques peuvent voter depuis 1934.

Souvenons-nous que le Code civil assimilait la femme à une mineure soumise à l’accord du « chef de famille » quant à l’utilisation des finances du foyer. Cet état de droit perdure jusqu’au  4 juin 1970, date de la loi qui énonce que dorénavant « les deux époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. » L’autorité parentale partagée remplace la puissance paternelle. Le divorce par consentement mutuel apparaît dans ces années-là. En 1975, faisant face à l’hostilité d’une partie de l’opinion, Simone Veil fait voter la loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse.

La maîtrise de la maternité est le premier pouvoir des femmes : la femme porte l’enfant et le met au monde. Au cours du dernier Café philo, « ADN et filiation », était évoquée « la dictature des ventres » qui donne une forme indiscutable de filiation juridique, la mère seule décide, le père est ici en infériorité. À l’inverse, la mère peut être conduite à accoucher « sous X » ce qui concrétise l’abandon juridique de son enfant.

 

Priorité à la famille 

Les faits sont là : en 2005, en France, seulement 12% des femmes sont députés et moins de 7% sont maires. Par ailleurs, la femme est majoritaire dans des métiers d’assistance aux hommes - infirmière, secrétaire, assistante parlementaire, collaboratrice d’ingénieur, adjoint-administratif, auxiliaire de police, femme du ministre de… etc.- même s’il existe de moins en moins de métiers réservés aux hommes. Par ailleurs, la femme doit toujours s’ingénier à concilier vie professionnelle et vie de famille. Après sa journée de travail, elle entame trop souvent une seconde journée à la maison même si, dans certaines catégories sociales, l’homme accepte de s’impliquer dans les travaux domestiques et la propreté des enfants. La femme donne la priorité à sa famille c’est pourquoi elle s’engage peu dans des activités extérieures et en particulier en politique. Mais combien coûte le travail d’une femme à la maison ?

 

Les femmes osent

« Les femmes ne sont pas que des ventres ! » s’exclame une participante. « Le pouvoir ça se prend ! » rétorque un débatteur. « Où sont les hommes ? » jette une jeune femme. Winston Brugmans tente d’apaiser les passions : « La femme n’a-t-elle pas acquis le pouvoir de dire non ? ». Elle dispose, en général, de l’autonomie financière ou fait en sorte de garantir son avenir : « Une fois mariée, c’est à mon mari de me faire vivre ! » énonce cette femme médecin mariée à un ingénieur. Tous deux sont marocains et vivent au Maroc. Permis par la loi (cf. supra) le pouvoir de dire non,  est relativement nouveau mais il n’est pas suffisant, il doit être prolongé par la construction de sa propre identité. Chaque individu recherche l’affirmation de soi. L’accroissement des divorces entre 60 et 70 ans illustre le fait que ce besoin de marquer son identité est constant au cours de notre vie. Après quelques joutes oratoires évoquant pêle-mêle le pouvoir non visible des femmes, leur capacité de travail, leur maîtrise de la séduction, leur contrôle de la situation au foyer, le mot de la fin revient à une oratrice : "Je suis parmi vous au Café-philo parce que mon mari garde les enfants à la maison !"

 

Alain Boussié

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*Olympe de Gouges est une femme de lettres qui s’est distinguée pendant la Révolution. En septembre 1791, elle publie la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, dans laquelle elle déclare l’égalité en droit des deux sexes.  Opposée à Marat et Robespierre, militante des Girondins, Olympe de Gouges est guillotinée le 2 novembre 1793.