Le temps de l'art

Après avoir investi dans les vignobles les plus prestigieux du Bordelais, Bernard Magrez souhaite offrir une maison et des moyens à des artistes d’aujourd’hui.

 

Ombre blanche de Huang Yong Ping ( P. Guillot)
Ombre blanche de Huang Yong Ping ( P. Guillot)

Trois châteaux de la fondation Bernard Magrez célèbrent déjà la culture : Fombrauge, près de Saint-Émilion, accueille des musiciens et des concerts, la Tour Carnet, qui appartenait à la famille de Montaigne, organise des concours de littérature, le Château Pape Clément, à Pessac, est un lieu d’échanges entre artistes, intellectuels et politiques. Dernière acquisition, l’hôtel Labottière vient d’être magnifiquement restauré. Construit en 1773, entouré d’un parc et de vignes, c’était la maison de campagne des frères Labottière, célèbres libraires de Bordeaux. Il est désormais l’Institut Culturel Bernard Magrez*, dédié à l’art contemporain.

 

L’art pour tous

Proche du centre de Bordeaux, la villa Labottière est transformée en galerie d'art, ouverte tous les jours au public depuis Octobre 2011. Tandis que Michelangelo Pistoletto mettait Evento 2011 sous le signe de l’art pauvre (Arte Povera) et de la participation directe des habitants à l’acte créatif, l’Institut Culturel inaugurait une superbe exposition L’étoffe du temps** dans un écrin luxueux du 18e siècle. Une vingtaine d’œuvres, sculptures, peintures, installations, photographies, choisies dans la collection de Bernard Magrez ou empruntées, sont mises en scène par le commissaire Ashok Adicéam. Avec un souci pédagogique, chaque œuvre est expliquée très lisiblement et une fois par jour, à 16h, une visite commentée gratuite est proposée. D’un côté, une galerie d’art accessible au plus grand nombre mais où le visiteur spectateur est pris en main pour comprendre les œuvres et de l’autre une manifestation, Evento, où chacun peut participer à l’acte créatif, sans formation artistique, avec des matériaux pauvres (exemple, fabriquer un Tapis volant avec des chutes de tissus et des filets de chantier). Deux approches complètement opposées. Quelle est la meilleure ?

 

Explorer le temps

Cheminons ensemble dans les salons de l’hôtel Labottière ! C’est le portrait de Picasso Femme assise, peint en 1949 qui inspire le thème de l’exposition : l’exploration du temps. À l’entrée du château, le gisant Youri Gagarine de Xavier Veillant (dont vous connaissez Le lion bleu) interpelle le visiteur, n’a-t-il pas bravé les années lumières en voyageant dans l’espace ? Dans l’entrée, un spectaculaire éléphant vous accueille, il s’est libéré de ses oripeaux pour faire peau neuve. C’est Ombre blanche de Huang Yong Ping. Plus loin, les autoportraits plus classiques de Roman Opalka révèlent les ravages du temps sur le visage. Bien qu’en bronze, la sculpture Quatre femmes sur Socle de Giacometti évoque toute la fragilité de l’être humain. Un immense cocon en perles de boulier, Le Cocon du vide de Chen Zhen, invite à se libérer des carcans de la tradition. Un film en boucle met en scène, dans un désert de sable, des femmes en blanc armées …d’un balai. Effacent-elles les traces du passé ? Chaque artiste à sa manière parle du temps. Que font les hommes de leur temps ? Qu’est-ce que le temps fait d’eux ? Cheminer dans cette exposition, est un bonheur des yeux et de l’esprit, elle suspend le temps, invite à regarder et lire pour comprendre. C’est une approche plus difficile que celle d’Evento mais passionnante. Le temps d’une visite et le quotidien s’efface devant la beauté du lieu et des œuvres exposées.

 

Comme à la Villa Médicis

Le directeur de l’Institut Culturel, Ashok Adicéam, veille aussi sur une résidence de quatre ateliers, près du château, qui doit accueillir de jeunes artistes prometteurs, dont le logement et les frais de vie seront pris en charge par la fondation pendant un an. Laurent Valera et Marie-Atina Goldet sont les deux premiers pensionnaires, enchantés de pouvoir se consacrer à leur projet personnel tout en répondant aux commandes de l’Institut. Bernard Magrez pense avoir eu beaucoup de chance dans la vie et souhaite désormais aider des jeunes qui ont du talent et envie de réussir.

 

Marie Depecker

 

*Institut Culturel Bernard Magrez 5 rue Labottière Bordeaux, www.institut-bernard-magrez.com

**L’étoffe du temps du 15 octobre 2011 au 15 janvier 2012. Prochaine exposition avec des artistes de Shanghai.