Art du bien manger

Les grands diners et les petits soupers au XVIIe et XVIIIe siècle, la cuisine moderne, la naissance du champagne, l’arrivée des desserts sont dévoilés au Musée des Arts décoratifs et du Design de Bordeaux.


À cette époque, trois principaux repas ponctuent la journée. Le déjeuner le matin, le diner en milieu de journée, parfois repoussé vers 15 h ou 17 h, suivi du souper vers minuit. Délaissant l’héritage culinaire médiéval où viandes et légumes étaient cuits dans le même pot, la cuisine moderne devient plus délicate. Le premier livre de cuisine apparait en 1651. La pièce où se préparent tous ces mets doit être facilement accessible de la rue : livraison des produits, acheminement de l’eau, orientée à l’ouest pour un meilleur éclairage. Á côté de la cheminée, apparait le potager : des fourneaux qui permettent de réaliser simultanément terrines, sauces, rôtis, tourtes et plats mijotés. L’écuyer de cuisine y règne en maître, c’est le domestique le mieux payé, le chef. Il est assisté du rôtisseur et du pâtissier qui réalise les pâtes salées ou sucrées. De nouveaux légumes sont utilisés : asperges, petits pois ou exotiques comme la pomme de terre. C’est la folie des sauces, on en dénombre 80 sortes.

Photos de P. Guillot

Le souper

On dresse une table (une planche sur des tréteaux) dans les antichambres, on sort les assiettes et plats en argent ou en étain. Plus tard, les faïences stannifères, à fond blanc aux motifs colorés, « de grand feu » ou « petit feu » sont cuites en une ou plusieurs fois. Elles proviennent des manufactures de Rouen, Nevers ou Samadet. Les convives, au nombre de vingt à cinquante, se placent où ils veulent, face à l’assiette, chacun disposant d’un espace de 70 cm. C’est le service à la française. Pas de verre sur la table mais dans des rafraîchissoirs ou des fontaines placées au mur, avec eau et glace : deux serviteurs pour un seul convive, donnent les vins de Bourgogne rafraîchis, les vins de Bordeaux ne sont pas encore à l’honneur. Plusieurs services se succèdent, de deux à huit par repas. Les mets, pour chaque service, sont amenés tous les quarts d’heure. Le plan de table délimite le nombre et l’emplacement de chaque plat. Les invités se servent eux-mêmes et peuvent assaisonner à leur guise : au centre de la table, sur un plateau-miroir, sont réunis flacons à épices, moutardier, beurrier, sel, sucre, huile et vinaigre. Au premier service se côtoient entrées, hors d’œuvre, potages, terrines et oilles (sortes de ragoûts de viande et de poissons). Puis viennent les rôts de viande et de poisson. Avant de desservir la table, on amène les desserts, essentiellement des fruits qui sont épluchés et reconstitués pour une meilleure présentation. On se passionne pour les neiges*, servies dans de petites tasses entourées de glaçons.


Le petit souper

La pièce uniquement réservée au repas apparaitra au XVIIIe siècle. Dans les demeures nobles et bourgeoises, on sert différents types de repas, certains avec peu d’invités. L’étiquette est moins stricte. Les domestiques ne paraissent que pour apporter les plats et placer les bouteilles sur les « serviteurs muets », sortes de guéridons proches de la table ronde dressée pour quelques convives. On désigne par collation ce repas léger qu’on fait au lieu de souper, les jours de jeûne. On y consomme de la viande froide et des fruits. Mais aussi confitures, pâte de fruits ou fromage blanc. Le souper peut-être libertin. La volonté des convives est de mêler les plaisirs de la chair et de la bonne chère. Donc on recherche l’intimité, pas de domestiques. Vin blanc et champagne enivrent les sens. On aime les effets aphrodisiaques des huîtres ou du fromage de Roquefort.

La manière de préparer les plats, de les servir sont des rites sociaux qui s’exportent en Europe. Constance Rubini, directrice du musée, montre dans cette exposition le rayonnement culturel de la France à cette époque.

Pierrette Guillot

*neige : crème glacée

musad@mairie-bordeaux.fr