Lire

Découvertes...
Découvertes...

Lire dans les yeux, lire sur la bouche, lire sur les rides d'un visage, lire des dessins, des images ou des mots. Lire : découvrir, ressentir, apprendre, partager.

 

Les grands apprentissages se font dès la plus tendre enfance et même avant. In utero, l'enfant à naître s'apaise, se trémousse ou gigote au son d'un rock effréné, d'une valse de Vienne ou d'un opéra de Verdi. Dignes héritiers d'ancêtres aquatiques, à peine émergés du nid maternel, les nourrissons se transforment allègrement en bébés-nageurs. Très vite, leur regard est attiré par les couleurs et leurs mains se tendent pour découvrir le doux, le rêche, la nature qui les entoure. C'est l'époque des grandes découvertes porteuses des goûts futurs. « Qui a lu, lira. »

 

Bébés -lecteurs

Une froide matinée de décembre, une pièce gaie et chaude. Les enfants, en chaussons, sont répartis en deux groupes homogènes (grands et petits). Léa, Emma, Sacha, Charly, Lilou et Co, de 15 à 34 mois, s'installent dans la salle de lecture de la Maison de la petite enfance. Un timide sourire aux lèvres, ils attendent la rencontre avec Maryline et ses Livres. L'intervenante s'assoit face à eux et approche son coffre des merveilles. Livres et revues sont là. Yann, le plus jeune, encore hésitant sur ses jambes, se penche en écarquillant deux superbes billes noires. Charly, 15 mois bientôt, voudrait tout toucher. Il prend doucement un livre, l'ouvre et murmure des choses que lui seul peut entendre et comprendre. Ils sont assis, Maryline peut prendre le premier ouvrage. Un livre sonore. Elle invite les enfants à reconnaître les animaux et leurs cris. « Voici une oie » dit-elle, « Non » dit Lorelane, « C'est un canard », « C'est une oie-canard » précise Élouane, plus avertie. Après les lectures, les auditeurs échangent les documents, les regardent, les palpent et les commentent à leurs voisins à voix basse, imitant intonations et mimiques de la conteuse. Enfin on aborde le thème du jour, Noël approche. Les livres proposés sont colorés, musicaux, très traditionnels ou résolument modernes. On évoque les rennes, les cadeaux, Kenzo affirme qu'il n'en aura pas, il préfère « une petite sœur ». Enfin on chante ; certains répètent avec application les paroles entendues, d'autres y brodent leurs propres mots et leur propre mélodie. Les yeux brillent et quand Maryline récupère ses trésors, c'est avec bien du regret que les petits derrières quittent leurs fauteuils. Mais ils n'oublieront pas le plaisir de lire. Bientôt, chez eux, ils iront à la rencontre de ces recueils extraordinaires, dépourvus de toute écriture, qui laissent l'imagination inventer les histoires les plus merveilleuses. Plus tard, devenus curieux, ils partiront à la recherche de Charlie, perdu  dans la foule. Ils grandiront.

Charlie ( photo D.R.)
Charlie ( photo D.R.)

Adultes-lecteurs

« Quel livre emporteriez-vous sur une île déserte ? »

Question bateau posée des milliers de fois. Un livre ? Mais pourquoi un livre plutôt que de l'eau, du savon ou des provisions ? Livres, revues, écrits sont simplement indispensables. Chaque type d'ouvrage apporte son message que l'on s'acharne à découvrir comme on cherchait Charlie. Selon les goûts, les circonstances, les moments la lecture se fait aide, stimulation, découverte, apprentissage ou détente. Quels qu'ils soient les écrits ne sont  ni insignifiants ni superflus. Si les philosophes n'avaient partagé leurs inquiétudes et leurs théories, les « Lumières » seraient restées dans l'ombre et notre monde aussi. Le message du livre c'est la sève qui fait naître les bourgeons. Ainsi vont les écrits, puissants porteurs d'idées nouvelles, de polémiques parfois, de réflexions toujours. Ainsi germa la Révolution, ainsi germent les évolutions. Puissants feuillets, véritables David dressés contre les Goliath de l'obscurantisme et du conservatisme. Marot mis au cachot pour avoir mangé le lard et la chair toute crue mais surtout pour avoir écrit des mots qui choquaient les beaux esprits n'en continuèrent pas moins à railler. Les flammes des autodafés élevèrent gaiement vers le ciel les étincelles sorties des livres jugés subversifs. Ils reparurent comme renaît le phénix. La censure longtemps a joué du ciseau, s'y est-elle usé les dents ? Les livres sont toujours là, dans les maisons, les librairies, les bibliothèques, prêts à être ouverts, palpés, regardés ou lus.

Pourtant, hier soir, le ciel s'est obscurci, des oiseaux noirs ont parcouru les nues. L'orage a éclaté. Les foudres de Zeus ou d'un autre ont englouti le Livre. Ce matin, au milieu des ruines de papier, un point rouge un triangle rayé, un vague sourire : Charlie sauvé des eaux des foudres et de la haine.

Dany Guillon