Supercoop, terre neuve du commerce

Comment un millier de coopérateurs réussit à se procurer des produits de qualité à des prix inférieurs à ceux pratiqués par la grande distribution

 

Propos recueillis par Roger Peuron

 

Dans le quartier Yves Farges à Bordeaux, cette façade sans enseigne n’incite guère à franchir la porte. Un carré de tissu portant le logo Supercoop, mal accroché au mur est même plutôt dissuasif. Un appel à projets pour la réalisation d’une fresque murale a bien été lancé, mais n’a pas encore porté ses fruits. L’Observatoire est entré, curieux de savoir ce qui se cache derrière ces murs qui abritent, dit-on, une boutique où il n’est « pas besoin d’avoir tout, le meilleur suffit ».

 

Une première à Bordeaux

Il est accueilli par Jean-Paul Taillardas, l’un des sept membres du conseil d’administration de la coopérative qui gère ce lieu. Il est en charge de la communication et des relations avec la presse. Il précise : « Supercoop répond à trois principes qui font son originalité. En premier lieu, c’est un supermarché coopératif et participatif ; pour profiter de ses services il faut en être membre et participer directement à sa vie. Il faut, pour le devenir, acheter une action de 100 euros, payable en plusieurs fois, sachant que dès les premiers 10 euros vous êtes membre et consacrer 3 heures toutes les 4 semaines à son fonctionnement. Deuxièmement, l’objectif est de mettre en rayon 80 % de produits bio, 80 % de produits issus d’un circuit court, c’est-à-dire ne comportant pas plus d’un intermédiaire. Enfin, rémunérer justement les producteurs et les fabricants en pratiquant une marge unique de 20 % sur le prix d’achat, soit 17 % sur le prix de vente. C’est ainsi que sont proposés des produits de qualité à des prix abordables. » Au 1er janvier 2018, ils sont 901 coopérateurs, 655 participent régulièrement au service. Une cinquantaine de membres, véritablement actifs, consacrent bien plus de temps au fonctionnement de la coopérative qui emploie par ailleurs deux personnes en CDI.

« Ce système coopératif a été importé à Bordeaux par Anne Monloubou qui s’est directement inspirée de la Park Slope Food Coop de Brooklyn à New-York qui fonctionne depuis plus de 40 ans et qui compte actuellement plus de 17 000 membres. Supercoop est né à Bègles en 2015, implanté dans les locaux de l’ancien Centre des impôts mis à disposition par la mairie. Il a surtout permis de recruter les premiers membres qui se sont ainsi formés à la recherche de produits et à leur achat, à la vente et à la gestion. En mai 2018, changement de lieu, la coopérative s’installe au sud de Bordeaux à proximité de Bègles, à quelques centaines de mètres de la station Terres-Neuves du tram. Cette situation et l’antériorité géographique font que 40 % des coopérateurs sont des Béglais, 40 % des Bordelais et 20 % des habitants d’autres communes de la métropole », poursuit Jean-Paul.

 

Consommateurs et acteurs

Le local-boutique de 350 m², aménagé par des bénévoles, est clair, parfaitement rangé. Environ 2000 articles sont présentés sur des étagères et des étals fonctionnels. On y trouve l’essentiel des produits alimentaires, d’entretien, d’hygiène, on peut ainsi faire la plupart de ses courses dans un même lieu.

Les fruits de saison, kiwis, pommes, poires, bananes… généralement ne sont pas calibrés et sans défaut, comme on peut les trouver dans un supermarché classique, mais quel goût ! Ils décuplent le plaisir de les déguster. Un peu plus loin, des produits vendus en vrac sont proposés à des prix très compétitifs. Dans une vitrine réfrigérée, du jambon et des morceaux de porc ou de bœuf emballés sous vide. Le rayon produits d’entretien et d’hygiène sans addition de molécules mauvaises pour la santé.

« En ces jours après les fêtes de fin d’année, certains produits manquent ou ne sont disponibles qu’en faible quantité, ce qui est, à n’en pas douter, gênant mais participe à la limitation des pertes réduites à 5 % pour les produits frais et à 1 % pour les autres. Le jour de leur arrivée à péremption, ils sont soldés. »,  précise Jean-Paul.

Quatre personnes, deux femmes et deux hommes, portant un tablier marqué Supercoop, s’apprêtent à prendre un service de trois heures. Ils sont normalement cinq, mais en cette période de vacances quatre suffiront. Ils vont s’organiser entre eux pour, pendant ce laps de temps, réceptionner des colis, faire des mises en rayon, assurer la propreté des locaux, tenir la caisse, accueillir les clients qui sont eux-mêmes membres de la coopérative. En cas de maladie ou d’empêchement grave, les coopérateurs sont dispensés de service, de même que les plus de 70 ans qui le souhaitent. Rares sont ceux qui ont une expérience dans le commerce, aussi l’apprentissage aux différents postes se fait par transmission orale et par l’usage de notices décrivant précisément les actions à faire. Après quelques services, chacun est polyvalent et peut ainsi aider un collègue embarrassé.

Passage par le laboratoire où deux coopératrices, charlotte sur la tête, gants fins sur les mains, découpent de gros morceaux de fromage de chèvre pour en faire des portions de quelques centaines de grammes. Le processus à suivre impérativement est affiché au mur : consignes de propreté, mode opératoire. Chaque portion est ensuite pesée sur une balance qui fournit l’étiquette comportant le poids, le prix et le prix au kilogramme. Puis c’est l’emballage sous vide par une machine et l’apposition de l’étiquette. Il ne reste plus qu’à procéder à la mise en rayon.

Les achats sont réalisés par un groupe de membres actifs qui ont pour objectif d’acquérir des produits de qualité au juste prix, cultivés ou fabriqués en respectant l’environnement. Pour les produits labellisés, ils sont pris en compte et entrent en rayon si leur prix convient. Pour les autres, une visite des lieux de production est bien souvent organisée pour s’assurer du respect des règles de qualité.

Les coopérateurs constituant 75 % de la main d’œuvre, il est possible, à qualité égale, de pratiquer des prix moins  élevés que dans un supermarché traditionnel.

 

Plus de coopérateurs

Une ambiance chaleureuse marque les relations entre les coopérateurs qui sont pourtant d’origines bien différentes. Le médecin retraité côtoie une jeune sociologue et des journalistes. Une mère de famille sans emploi fonctionne en binôme avec un jeune cadre. Un chômeur très présent complète ainsi son CV. Mais tous sont intéressés par l’aspect social et coopératif de l’expérience. Ce projet porteur d’une autre proposition de commerce qui privilégie des produits auxquels on peut faire confiance est largement plébiscité.

Pour mieux se faire connaître, Surpercoop organise plusieurs réunions d’information par mois. En général, une trentaine de personnes se retrouve dans les locaux de la coopérative. L’animateur présente le projet et son modèle, ses valeurs, son avancée et ses besoins et répond à toutes les questions que se posent les coopérateurs potentiels. Une visite du magasin conclue la rencontre. Pour y assister, il suffit de s’inscrire sur le site de Supercoop.

La coopérative ambitionne de devenir le magasin de proximité pour les habitants du quartier qui, pour le moment, sont assez rares à avoir franchi sa porte. Pour cela, elle propose trois gammes de produits : 20 % coup de cœur, du bio à des prix concurrentiels, 60 % de bio ou non à prix moyens et 20 % de produits de qualité à prix bas. Tous étant, à qualité égale, moins chers que dans les grandes surfaces. 

 

 

Supercoop

19, rue Oscar et Jean Auriac 33800 Bordeaux

+33 5 56 85 64 78 – contact@supercoop.fr – supercoop.fr

 

Ouverture : du lundi au vendredi de 9 h 00 à 20 h 00
Le samedi de 9 h à 18 h 30