Balades urbaines et solidaires

L’association Alternative Urbaine a fait le pari de mettre le tourisme et la culture au service de l’insertion sociale et professionnelle.

 

 

L’idée est née à Paris en 2014 : former des personnes éloignées de l’emploi à l’accompagnement de balades urbaines originales et conviviales qui valorisent le patrimoine de quartiers populaires. À Bordeaux, Élodie Escuda crée en 2017 Alternative Urbaine Bordeaux* selon le même principe. Cette année, l’association accompagne Olga, Ahmed, Martine, Guy, Émilie, Gabriela, Abderrahim qui, après deux mois de formation, sont désormais « éclaireurs urbains » et font découvrir un quartier de la ville.

 

Une activité-tremplin

Être « éclaireur urbain », ce n’est pas un métier. C’est d’abord une formation puis une activité d’animateur de balade qui développe des qualités précieuses pour chercher et trouver un nouvel emploi. Élodie, Matthieu le comédien, Julie la guide professionnelle, des bénévoles, avec savoir-faire, humour et bienveillance, les aident à regarder la ville, à construire leurs parcours de visite et choisir une façon originale de guider les promeneurs. Ils découvrent leurs atouts personnels, apprennent à parler devant un public… Marie-Hélène témoigne : « J’ai eu un accident de parcours. J’ai retrouvé confiance en moi, je suis plus à l’aise pour parler devant un groupe, j’aime l’histoire de Bordeaux… » Ahmed, confronté à la guerre dans son pays, se confie : « Je retrouve ici joie de vivre et espoir, de la convivialité, de l’échange. »

 

Mathieu, le comédien, donne ses ultimes conseils aux futurs éclaireurs avant les premières promenades-test. (photo M. Depecker)

Un parcours singulier

 

L’Observatoire a suivi la balade d’Ahmed. Un classeur sous le bras, il attend son groupe place Buscaillet, au cœur de Bacalan, ancien quartier de dockers et d’ouvriers. En 1930, le maire Adrien Marquet a doté la population d’équipements sociaux : crèche, bains douches, dispensaire… Manufacture de sucre, chais, magasins de vivres, bassins à flot, grues, formes de radoub, Ahmed raconte le passé de Bacalan en montrant les vestiges de l’activité industrielle et portuaire pour mieux nous expliquer sa renaissance : Pont Chaban, Cité du vin, Halles de Bacalan… Grâce aux explications de notre éclaireur, on voit se dessiner la cité de demain.

 

Né en Éthiopie dans une famille yéménite, Ahmed est réfugié en France après avoir été guide touristique au Yemen. « Je suis et je veux être un Bacalanais, c’est mon quartier, ma ville désormais, c’est un honneur pour moi de vous guider dans les rues et les sentes que j’apprends à connaitre. » « Mais je pense souvent à mon pays. » Au cours de la balade, il évoque le Yemen : « Des Français venaient apprendre le calfatage (mot dérivé de l’arabe ?) auprès des marins. » Devant les Vivres de la Marine, il raconte que les Yéménites conservaient la viande derrière les fenêtres à claire-voie. « Vous nous offrez un voyage dans le voyage » commente un promeneur.

 

 

 

Un solide engagement personnel

 

Diplômée de l’Institut d’études politiques de Bordeaux, Élodie Escusa travaille 5 ans en Afrique du sud dans la coopération avant de revenir préparer un doctorat de sociologie politique. «  Je souhaitais travailler dans l’humanitaire, combattre les injustices mais on peut aussi s’engager dans son pays. » À Johannesburg, elle a rencontré des habitants de Soweto qui conçoivent eux-mêmes des balades dans leur quartier. L’idée fait son chemin : offrir aux Bordelais, aux nouveaux résidents ou aux touristes, un nouveau regard sur le Bordeaux populaire. Elle crée Alternative Urbaine Bordeaux, avec le soutien de l’ADIE et d’ATIS et un partenariat avec ARE33**. Son objectif : proposer des balades pédestres à prix libres,  animées par des « éclaireurs urbains » rémunérés, dans les quartiers populaires de Bordeaux comme Belcier, Saint-Michel, Bacalan ou la Bastide-Benauge. Seule salariée de l’association, elle coordonne avec compétence et motivation le travail des éclaireurs et de tous les bénévoles qui participent avec enthousiasme au projet.

 

En 2017, 6 éclaireurs ont été formés, 3 ont un emploi (jardinage, service à la personne et conciergerie solidaire), une 4e a renouvelé son contrat pour un an avec Alternative Urbaine. Aujourd’hui les 7 personnes qui ont suivi le cycle de formation sont prêtes pour se construire un nouvel avenir.

 

Marie Depecker

 

 

 

 

 

* bordeaux.alternative-urbaine.com

 

**ADIE Association pour le droit à l’initiative économique

 

ATIS Association territoires et innovation sociale

 

ARR33 entreprise d’insertion par l’activité économique prestataire de services (ménage, jardinage, gardiennage, livraisons, soins aux animaux…)