Vers le champ de course ( H. Kappelhoff-Lançon)

Bufles de Marajo

Le Brésil nous offre une occasion sportive de mieux connaître les buffles de Marajó

 

L’île de Marajó, au nord du Brésil, dans l’embouchure de l’Amazone, reste complètement noyée les mois d’hiver. La variation du niveau d’eau en Amazonie à cet endroit est d’environ 3 mètres à chaque marée, d’où la nécessité de la force des buffles avançant sans problème, enfoncés jusqu’au poitrail dans la vase.

 

Auxiliaire des ranchs

De vastes ranchs possèdent de grands troupeaux utilisés pour tous les travaux de la ferme et les déplacements à travers la mangrove afin de ramener de lourdes charges.

Il existe par ailleurs des fermes laitières où les bufflonnes beaucoup plus calmes que les mâles vivent dans l’eau. À l’heure de la traite, elles se dirigent toutes seules à la nage vers l’abri surélevé. Leur berger les suit en canot mais le chien plus pratique s’installe sur le dos d’une bête pour mieux les surveiller. Après la traite, elles se reposent au sec pour la nuit. Les vaqueros emmènent à la demande les volontaires pour une promenade se révélant hors du commun.

 

Aïe, Aïe, Aïe,

Il s’agit  de tenir le plus longtemps possible en équilibre sur un dos très large, sans se cramponner trop fort au cordage relié aux naseaux très sensibles.

Et en avant !... L’estomac un peu serré, le long des chemins glissants, il faut se protéger d’une forêt agressive d’un vert profond, ronces, branches épineuses, insectes carnivores ou des accélérations intempestives. Plongeons dans des flaques profondes, les aras aux cris grinçants fuient les intrus. Inutile de dire que le taux d’adrénaline s’accélère dès le départ. La question est de savoir où le grand écart imposé va entraîner le cavalier d’occasion sinon vers une chute certaine et un souvenir inoubliable.

L’exercice pouvant transformer la balade du brave touriste, car il l’est au sens réel du terme, en terreur sur une bête énervée devenant parfois incontrôlable. Dans ce cas il devine qu’il peut être dégagé sans ménagement et sans forme de procès. L’atterrissage dans la boue complète quelques fois le tableau.

Alors, le buffle déjà loin, même sur ses courtes pattes, sème son passager. Ce dernier se relève péniblement d’une superbe glissade, sale et griffé. Les insectes le repère rapidement et le voilà se débattant contre une volée de moustiques avides d’un nouveau menu. Quelques singes ricanent au passage…

 

Buffle qui es-tu ?

Les buffles d’origine asiatique ont été introduits au XVIIIe siècle pour des besoins de viande et pour leur force colossale. À cette époque, ils y ont été domestiqués mais avec le temps ils se sont échappés dans la mangrove pour redevenir complètement sauvages. Tapis dans les joncs des marigots, dotés d’un flair extraordinaire, le buffle ne laisse aucune chance à son ennemi, ce qui  n’incline pas à la conversation ni à la balade sur son dos. Pour peu qu’on le regarde droit dans les yeux il peut venir à l’idée de monter sur le premier arbre venu.

 

Auxiliaire de l’armée

Sur l’île se trouve cependant la Base militaire de l’Armée à dos de buffle. Ces compagnies, chargées à la fois de la police et de la gendarmerie locale, ont pour rôle principal de pourchasser les bandits et les trafiquants en tout genre à travers les marigots de cette forêt à peine pénétrable. Dans ce but ces militaires dressent ces monstrueux animaux à se laisser monter et à obéir. La taille, leurs longues cornes parfois divergentes, la puissance qui en émane font déjà frissonner le promeneur aventureux.

Mais ces militaires sont très attachés à leurs animaux, chacun ayant son maître. Il l’élève, cire ses cornes et ses sabots, sait lui parler à l’oreille, le calmer parfois en le caressant jusqu’à ce que l’animal revienne à de meilleurs sentiments.

Bien que ces hommes  y mettent tout leur cœur, leur amour des bêtes et leur courage, on en conclura que Dame Nature reste la plus forte….

 

Retour à la ferme

Notre aventurier  ne chute pas toujours grâce à un « très proche » accompagnement de son vaquero, mais il revient quand même chargé d’un souvenir extraordinaire sans toutefois projeter une nouvelle balade à dos de buffle.

 

Hélène Kappelhoff-Lançon