La Miel

Tout comme son homonyme la Monnaie d'intérêt économique local (la Miel) vient de l'abeille.

 

L'idée d'utiliser une banque libre pour produire une monnaie de rechange à usage communautaire remonte aux années 1800 (coopératives d'épargne et de crédit allemandes, banque Wir de Suisse et banques syndicales du Japon). De nos jours, une monnaie locale désigne une monnaie à usage géographiquement limité. « Elle reste sur le territoire, profite à la population et renforce les liens entre citoyens et entreprises. » précise le document descriptif de la Miel. Signe des temps ? Crise économique ? Désir de partage, de protection de l'environnement ? Raisons politiques ? Depuis 2011, les monnaies alternatives se sont multipliées en France dans un étonnant florilège d'une trentaine : la roue, la tinda, la sol violette, la luciole, l'eusko, l'abeille, la Miel... Aujourd'hui plus de 5000 sont utilisées à travers le monde. Cependant, malgré de multiples ressemblances, elles n'ont pas toutes le même fonctionnement.

 

Bons points gagnants

Vous avez tous en mémoire les bons points gagnés à l'école pour un exercice bien fait, une réponse exacte : 10 pour une petite image, 5 images pour une plus grande. La Sel cocagne, doyenne des monnaies alternatives toulousaines, fonctionne de la même façon. Sans argent, on échange biens, services et compétences. Pas vraiment du troc plutôt le principe d'un crédit mutuel. Les usagers proposent leurs interventions à la communauté. En retour ils reçoivent des cocagnes. Après l'échange, ils inscrivent la transaction sur le site web pour mettre à jour leur solde. L'évaluation du montant des services se fait, en général, en unité temps (Une heure de travail = 60 cocagnes). Libre aux selistes de donner plus ou moins de valeur à telle ou telle activité en fonction de sa pénibilité, des outils engagés ou d'une formation préalable. La Sel Cocagne n'est en rien liée à l'euro. Tout le monde peut donc participer quelle que soit la taille de son portefeuille. La seule question est de savoir ce que l'on peut apporter à la communauté, d'où une valorisation des savoirs de chacun. La pratique de la Sel est légale si les services ne sont pas répétitifs et n'entrent pas dans l'activité principale de l'intéressé. Depuis quelques mois, une nouvelle monnaie indépendante est née à Toulouse : L'oseille. Très voisine de la précédente, ses utilisateurs se montrent cependant beaucoup plus radicaux dans leurs objectifs : se passer progressivement de l'euro, de l'État, des banques. Rêve ou utopie ?

 

La Miel de Gironde

L'abeille du Villeneuvois a essaimé vers les bruyères et les sucs de la vigne. Ainsi est née à Libourne la Miel. Pour son père fondateur Mr Labansat, elle représente un outil de relocalisation, de prise de conscience, d'éducation et d'amélioration du lien social. À l'inverse de ses sœurs toulousaines, elle est indexée sur l'euro et imprime ses propres billets. Enthousiasmés à la perspective d'échanges et de développement de l'environnement dans le respect des normes écologiques, vous payez votre cotisation 5 € et devenez membre de la communauté. Dès lors, il vous suffit de vous rendre chez un des dépositaires qui pour 50 € vous remettra 50 Miel en coupures de 1/5/10/20/50.

Pas de centimes. Les billets sont valables 6 mois, c'est une monnaie fondante. Si vous dépassez la date limite vous devez faire tamponner la vignette collée au dos pour les réactiver. Ceci moyennant 2 % de leur valeur, c'est la cagnotte. D'où l'intérêt de les faire circuler au plus vite. Mais au fil des mois, le nombre d'interlocuteurs acceptant la Miel ne cesse de se diversifier et d'augmenter. Fin décembre, pour ses 4 ans, la jeune monnaie comptait 500 adhérents, 130 prestataires, 55 000 Miel et potentiellement 550 000 unités passant de main en main. Après ses débuts dans le Libournais, l'Entre-deux-mers et le sud-Gironde la Miel se répand dans les rues de Bordeaux. Sur les étals des marchés, dans les commerces, les écoles (Grand Lebrun, Gustave Eiffel) les grandes manifestations (à Cap Sciences, Darwin, au Château de Palmer), la Miel est aujourd'hui adoubée. Une réussite pour une idée étonnante et fédératrice. Pour autant peut-on penser à l'instar de l'économiste Bernard Lietaer que « le monopole des monnaies conventionnelles est mort » ? En tout cas, longue vie à la Miel, puisse- t- elle adoucir le quotidien de chacun.

Dany Guillon