Plastique ou survie

Une exposition montre les bienfaits et les méfaits du plastique à travers des explications et des photographies chocs.

 

Jusqu’au 2 juin 2023, le musée Mer Marine de Bordeaux1 présente une exposition sur les plastiques : leurs avantages, leurs inconvénients et les solutions à la pollution qu’ils génèrent.

Le plastique n’est pas une invention récente. Savez-vous qu’en 2500 av. J.-C., les Mésopotamiens jouaient un football rudimentaire avec des ballons plastiques (à base de résine et de végétaux) ? Savez-vous que c’est pour sauver (bien temporairement) les éléphants que le plastique a été inventé au cours du XIXe siècle ? En effet, les touches de piano, les boules de billard et tout un tas de petits objets comme les peignes, étaient fabriqués en ivoire jusqu’en 1850, ce qui entraînait une surchasse des pachydermes. L’avènement du plastique a eu deux conséquences : la baisse du prix des pianos et des boules de billard, et la démocratisation de ces deux activités. 

Civilisation du jetable

Le plastique est un matériau formidable : il est léger, il est solide, il peut être soufflé, moulé et il est économique à produire. Au départ, le plastique est un produit naturel à base de cellulose et de résine : le celluloïd ou la bakélite. Il ne pose donc aucun problème puisqu’il est biodégradable. Mais à partir du XXe siècle, il devient un produit chimique fabriqué à base de pétrole. Il aura un effet décisif pendant la guerre, par exemple pour fabriquer les parachutes en nylon (bien moins chers que les parachutes en soie). Après la guerre, on s’aperçoit que le plastique a d’énormes usages civils : grâce à lui, on peut fabriquer des canalisations qui permettent de rendre facile l’adduction d’eau et son évacuation, il permet d’alléger le poids des voitures ou des avions. Il est un élément décisif de l’amélioration de la qualité de l’alimentation (en particulier avec la mise sous vide). Il permet de transporter de l’eau, par exemple à la suite d’un tremblement de terre, grâce aux bouteilles. Il sauve des vies grâce aux airbags ou aux casques. Sans parler de la médecine moderne : depuis les gants jetables jusqu’aux seringues en passant par les prothèses, les cathéters ou les scanners, tout est en plastique. Il est la base de l’asepsie qui explique en grande partie l’amélioration de l’espérance de vie depuis 70 ans.

L’exposition montre bien que le plastique commence à être un problème au cours des Trente Glorieuses. On entre dans la civilisation du jetable : les collants, les rasoirs, les couverts, les assiettes, les contenants alimentaires et surtout les sacs deviennent tous à usage unique, produisant des montagnes de déchets. S’ajoute à cela la fabrication de babioles pas toujours très utiles. C’est la combinaison de son origine chimique et de son utilisation de masse qui génère un problème planétaire.

1 000 camions poubelles par jour

Progressivement, les 9 milliards de tonnes de plastique produites depuis 1950 deviennent des déchets durables. En effet, la matière ne se dégrade que très lentement. En même temps, la consommation a augmenté de façon exponentielle : il génère 300 millions de tonnes de déchets chaque année, soit le poids de la population humaine ! Une bonne partie de ces déchets est rejetée dans la mer : l’équivalent de 1000 camions poubelles par jour. Il y a un continent de plastique qui flotte sur le Pacifique d’une surface d’un million de kilomètres carrés (soit deux fois la France). L’exposition montre des photos d’îles couvertes de déchets bien que totalement inhabitées. Le plastique s’intègre aussi dans la chaîne alimentaire depuis les animaux jusqu’aux hommes, sans qu’on en connaisse encore aujourd’hui les conséquences. Ainsi, une personne qui ne boit que de l’eau minérale en bouteille plastique l’équivalent d’une carte bancaire par semaine en microparticules de polymères.

Tout n’est pas désespéré

Il existe pourtant des solutions. Si le problème du plastique est aussi grave que celui du changement climatique, il est beaucoup plus facile à résoudre, nous explique-t-on. L’exposition montre que les solutions sont de trois ordres : 

- Tout d’abord, le substitut : fabriquer moins d’objets en plastique, comme cette start-up française qui réalise des gobelets à base de cellulose et de sable, matériaux beaucoup plus biodégradables. 

- Ensuite, on peut récupérer et nettoyer. Pour l’instant, une part minime du plastique est recyclée. Pourtant il existe de l’espoir. Dans certains pays en voie de développement, se montent des filières de récupération qui permettent à ceux qui y travaillent d'en vivre. Il est possible aussi sans difficulté de capter plus de déchets pour les mettre dans le circuit de l’élimination. Après le substitut, la deuxième solution est donc la récupération des objets, leur réutilisation ou leur élimination.

- Enfin, pourquoi utiliser des plastiques à usage très court ? On ne se sert des sacs de courses que quelques heures, on peut s’en passer. En revanche, le plastique utilisé dans le bâtiment par exemple pour l’isolation des fils électriques ou pour les canalisations, dure beaucoup plus longtemps : 12 ans en moyenne. C’est un usage utile, durable et acceptable. La troisième solution est donc le discernement dans l’utilisation.

Cette exposition informe, synthétise et montre des solutions à un problème dont nous sommes tous conscients. Elle a néanmoins un paradoxe : toutes les photos et toutes les explications sont affichées sur des panneaux en plastique accrochés au mur ! Ce qui prouve que se débarrasser de ce matériau ne sera pas si simple que cela !

Par Etienne Morin

 

1Musée Mer Marine, 89 rue des Étrangers, 33300 Bordeaux