Calcique dans les prés

La deuxième vie des coquilles d’huîtres : une démarche écologique et solidaire qui profite à des petits maraîchers et viticulteurs girondins.

 

Devant une tasse de café, dans son cher quartier de Bacalan, Bénédicte Salzes, fondatrice de l’association Coquilles[1] explique la genèse de son projet, élaboré avec deux amis Ellande Barthélémy et Nicolas Vidil. Amateurs d’huîtres, ils partent du constat qu’une coquille, essentiellement composée de carbonate de calcium, ne peut être incinérée comme les autres déchets ménagers. Il s’agit donc de collecter et de valoriser les coquilles pour amender et neutraliser l’acidité des sols de petits maraîchers et viticulteurs girondins. Chacune des parties engagées dans ce cycle, du collecteur à l’agriculteur, en passant par les intermédiaires industriels, doit y trouver avantages et satisfaction.

 

Amendement d'entretien

« En Gironde, nous avons une matière première naturelle, renouvelable et locale : les coquilles d’huîtres », constate Bénédicte et d’ajouter « c’est une alternative aux amendements calciques classiques, comme la chaux, issus de gisements naturels, souvent lointains et soumis à l’épuisement ». À Bordeaux Métropole, les coquilles sont collectées par des personnes en insertion, employées par la SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif) Les Détritivores, partenaire logistique de l’association. Les coquilles, une fois concassées et répandues, se diffusent progressivement dans le sol. Pour Bénédicte Salzes « le produit est recommandé pour un amendement d’entretien et il est utilisable en agriculture biologique ». Il est proposé en sac de 25 kg. Ce conditionnement permet de mieux répondre aux besoins spécifiques de petits agriculteurs et permet une manutention manuelle. Parallèlement, l’association conduit des travaux de recherche et de développement avec le laboratoire I2M (Institut de mécanique et d’ingénierie) pour caractériser des matériaux de construction innovants, élaborés à base de coquilles, entre autres, et testés dans le secteur du BTP : bancs pour l’espace public par exemple.

 

Développement durable

Présenté à l’Association

territoires et innovation sociale (ATIS), le projet est sélectionné et financé par France Active Nouvelle-Aquitaine avec le Pacte Émergence. Il bénéficie dans sa phase de lancement du Fonds social européen. Une première collecte est menée pendant les fêtes de fin d’année 2020. Deux communes s’engagent, Bordeaux et Le Bouscat, puis viendront s’ajouter Saint-Jean-d’Illac et Le Taillan en 2021. « Cela représente 31 bacs de collecte pour une quantité globale d’environ quatre tonnes de coquilles » indique Bénédicte. En partenariat avec la coopérative des Détritivores qui assure donc le ramassage, l’activité de Coquilles soutient des emplois inclusifs et locaux via l’insertion par l’activité économique. Les coquilles collectées sont ensuite stockées, lavées sur le site de Détritivores et concassées par la société OVIVE, à La Rochelle, spécialisée dans la transformation de minéraux et coquillages et dont l’objectif est d’allier démarche industrielle et développement durable. En 2023, l’association souhaite « acheter un concasseur et trouver un terrain plus vaste pour réaliser l’ensemble des opérations…. Mais ce n’est pas évident ! ».

Malgré son succès, relatif, Coquilles doit se développer pour perdurer et devenir autonome. Un certain nombre de problèmes sont apparus, notamment de logistique. Toutefois, note Bénédicte, « nous avons validé notre objectif d’écouler la matière collectée et entendu les retours des agriculteurs relatifs au produit trop grossier qu’il faudra affiner ». Aujourd’hui, seule Bénédicte Salzes est salariée de l’association. C’est grâce à de nombreux bénévoles que l’activité fonctionne. Économiquement, elle est tributaire des subventions du Conseil régional et de la ville de Bordeaux.

En posant sa tasse de café, Bénédicte confirme que les bacs de collecte reviendront en 2023 et que l’association compte sur tous pour que « l’action de déposer les coquilles soit un geste engagé et responsable ».

 

Jean-Pierre Ducournau


[1] https://coquilles.org