Vendanges aux sécateurs

De gauche à droite, Wiaz le dessinateur de presse, Edwy Plenel, Eric Fottorino, Laurent Joffrin, réunis pour débattre sur la censure (photo de Malagar)
De gauche à droite, Wiaz le dessinateur de presse, Edwy Plenel, Eric Fottorino, Laurent Joffrin, réunis pour débattre sur la censure (photo de Malagar)

 

Près de Langon, se sont déroulées du13 au 14 septembre 2013, les quinzièmes vendanges de Malagar. Le thème choisi était la censure et l’autocensure.

 

Des vignes entourent le domaine, mais les raisins ne sont pas encore mûrs ! C’est pour des vendanges littéraires que les intervenants, politiques, historiens, romanciers, journalistes, dessinateur, sont venus en Aquitaine. Plus de 400 auditeurs s’installent sous la belle charpente de la grange, dans le parc entourant la maison de François Mauriac, à Malagar. Une douce lumière incite à l’écoute, au dialogue. Une ombre plane, celle de François Mauriac.

 

Politique et censure

Le maire de Libourne, Philippe Buisson est venu en voisin, dire ce qui lui tient à cœur. Il va présenter au Parlement une réflexion sur la nécessité d’un conseil de presse qui n’existe pas en France alors qu’il y en a 20 en Europe et 200 dans le monde. En accord avec le syndicat des journalistes, des outils de régulation des médias sont nécessaires. Des statistiques montrent que 23 % seulement des français font confiance aux médias.

Mathieu Gallet, jeune trentenaire, président de l’Institut de l’Audiovisuel, dévoile l’enfer de l’ORTF. Certaines émissions pour des raisons politiques, religieuses, outrages aux bonnes mœurs ou raisons fallacieuses étaient mises dans un endroit peu connu dont la porte fermée à double tour indiquait « enfer ». En référence à l’enfer de la Bibliothèque nationale où les livres libertins, érotiques sont classés, rangés et indexés. Maurice Clavel s’est écrié « Messieurs les censeurs, bonsoir » avant de partir du plateau de télévision car un seul mot avait été changé : aversion censuré et remplacé par agacement. On sait que 100 émissions ont été mises en « enfer » mais non classées ; on peut supposer qu’il y en a eu beaucoup plus !

 

Littérature et censure

Régine Deforges, connue pour ses nombreux livres, l’est beaucoup moins pour ses déboires en tant qu’éditrice. Elle a été victime de la censure, les procès qui en ont découlés, l’ont ruinée. Ces écrits qu’elle voulait éditer, ont été censurés avant 1968 et sont maintenant édités à la Pléiade ou en livres de poche. Elle était très émue de revenir dans la maison de Malagar. Elle n’a pas connu François Mauriac mais elle a écrit le roman La bicyclette bleue sur le propre bureau du célèbre écrivain. En effet, le dessinateur Wiaz, son mari, est le petit-fils de François Mauriac. Il est venu aussi pour débattre de la censure et de l’autocensure.

L’historienne Anne-Marie Cocula, vice-présidente de la Région, conte l’étonnante aventure des Essais de Montaigne. Les deux premiers livres sont imprimés à Bordeaux puis placés dans un coffre que Montaigne amène au roi Henry III. Á cette époque, en 1572, les pouvoirs politiques vacillent, la répression catholique s’installe dans le royaume, (la Saint-Barthélémy correspond au début de l’écriture des Essais). La censure pontificale fait saisir à la douane les ouvrages et retirer six objections (mot employé à l’époque)

 

Culture, presse et censure

Bernard Faivre d’Arcier, ancien directeur du festival d’Avignon, dévoile les scandales et contraintes sur les scènes d’aujourd’hui. Il précise que la censure religieuse est toujours d’actualité, en Inde ou dans les pays arabo-musulmans. Pour les arts de la scène, c’est la censure politique. Il n’y a pas de liberté pour les spectacles issus de Chine ou de Corée du nord.

Eric Fottorino, président du Centre Malagar, rappelle ce qu’écrivait François Mauriac, écrivain journaliste, en 1954, dans son bloc-notes, après la saisie de L’Express, au moment de la Guerre d’Algérie : «  Il ne faut pas perpétuer le crime de silence. » Laurent Joffrin, directeur de la rédaction du Nouvel Observateur précise : « Actuellement, en France les médias sont libres, des journaux peuvent être créés, mais une autre forme de censure s’exerce à cause d’enjeux économiques ou religieux, dans beaucoup de pays. » Edwy Plenel, fondateur et directeur de Médiapart affirme que son journal, sur internet, est un journal participatif qui dit moins de mensonge car il y a interaction avec le lecteur et partage des savoirs.

La censure est-elle incontournable et les sécateurs toujours actifs ?

 

Pierrette Guillot

 

site:  malagar.aquitaine.fr

 

 

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Une assemblée nombreuse en plein air (photo de malagar)
Une assemblée nombreuse en plein air (photo de malagar)