Plaisirs d'automne

Octobre. L'automne. Les jours raccourcissent. Les cheminées se rallument. Les châtaignes brûlent les doigts. Le bourru délie les langues. Mais de quoi parle-t-on ?

 

Des vendanges d’abord en dégustant le premier jus de la vigne. De la forêt aussi. Des palombes qui colorent en bleu les branches des grands chênes. Des longues balades dans les ors et les rouges des feuillages somptueux d'où l'on rapporte les châtaignes épineuses et parfois même les incomparables cèpes de Bordeaux. Et là tous les yeux brillent au récit de cueillettes miraculeuses ou surprenantes. Savez-vous chercher des cèpes ?

 

À la mode de Marcelle

Elle a toujours vécu dans les bois, Marcelle, elle connaît les cèpes, les aime, les respecte, elle les sent pousser. Le matin, de bonne heure, elle enfourche sa mobylette et suit lentement la piste du Bourdieu, l'œil aux aguets. Soudain elle s'arrête au bord du fossé où trois superbes bolets de Bordeaux, chapeaux bruns et pieds trapus l'attendent sur la mousse.

 

À la mode d'Etienne

Depuis l'enfance, il habite un vaste airial bordé de bosquets de chênes. Dès qu'apparaissent sur le sol les premières fleurs blanches des moisissures il prend son bâton et part vers les bois. Son regard est affûté. Il devine de loin les jeunes pousses noires qui émergent à peine du sol. Surtout il ne les regarde pas. Il les cache sous un seau sans fond. « Ainsi ils continueront à pousser, si on les regarde, ils ne grossissent plus » dit-il. D'ailleurs à l'automne les abords de sa maison ressemblent à un champ de seaux renversés. Les cèpes, pour lui, c'est non seulement un mets de choix mais surtout un moyen d'échange et le boucher ou le vétérinaire ne se font pas prier pour être payés en monnaie de bolets.

 

À la mode de Yann

En ville toute la journée, le soir, il aime parcourir les bois, sa petite fille sur le dos, à la recherche des précieuses têtes de nègres. De panier, point, une petite poche fait l'affaire. L'enfant se croit au manège et rit aux éclats. Papa se baisse, se relève encore et encore et la poche est vite trop petite. Il emplit sa veste, il emplit son pull et rentre avec une cueillette de rêve et aussi un rhume. Quelle belle soirée !

 

À la mode de DD

Il connaît les places, il a ses arbres fournisseurs. Il ne déroge guère à ses habitudes. Pourtant, un matin, en territoire inconnu, il s'arrête surpris... Là, tout seul devant lui, dans les premiers rayons du soleil, un cèpe de rêve : fier, sur son pied de 18 cm, il attend. Son chapeau est aussi grand qu'une assiette à dessert. DD tend la main, ce n'est pas un mirage, un kilo de bonheur.

 

À la mode de Jean-Claude

Il aime les champignons, il sait les chercher mais il habite au bord du bassin d'Arcachon, le pauvre ! Il est artiste, alors quand vient l'automne, quand la Dordogne se pare d’ors, il se rend à Montpazier. Les couverts de la bastide cernent la place où trône une exceptionnelle halle excentrée, nous sommes dans la capitale des cèpes. L'après-midi les ramasseurs arrivent avec leur cueillette. Après le contrôle des poids, ils se déploient sous la halle et les négociations commencent. Jean Claude ne sait plus où porter les yeux. Vers le village où vers les cèpes ! Il repart la tête dans les nuages et les bras dans les cageots de champignons.

Il y a tous ces chercheurs et tant d'autres qui se sont retrouvés au lever du jour, dans la rosée, devant un carré de lumière criblé de bolets. Ceux-là sont les purs, les amoureux de la nature et de ses cadeaux. Mais l'automne c'est aussi l'époque des invasions barbares.

 

À la mode des barbares

Prenez une camionnette, entassez-y le grand-père, la grand-mère, le père, la mère, les enfants et pourquoi pas les cousins et les cousines. Dans l'espace restant, casez les pelles, les râteaux, les paniers et partez à l'assaut de la forêt. Arrivés sur place, grattez, arrachez, ne laissez nulle place un peu comme Attila. Vous repartirez le soir avec des courbatures et des paniers vides, ou presque.

Les barbares sont peu nombreux et c'est tant mieux. Leurs incursions amènent des sourires le soir au coin du feu quand la maison fleure bon l'ail et le persil de la dernière poêlée de cèpes.

 

Dany Guillon

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