Feuilles d'automne

 

Eté fini, jardins défleuris, sous-bois jaunis, restent les dernières parures de la nature : les feuilles d'automne.

 

Par les doux après-midis d'octobre, partez à l'aventure le long du canal ou dans les allées du jardin public. Que de couleurs ! Un festival de nuances, chaque arbre a sa teinte. Les chênes d'Amérique arborent des rouges surprenants alors que les tilleuls se déclinent en nuances de jaune et de brun. Et les vignes ! Leurs longs rubans rutilent sous un ciel aux gris subtils. Dans les jardins, ne restent que les chrysanthèmes, les dernières roses et quelques géraniums kamikazes prêts à affronter les premières gelées. Et cependant, que vous leviez les yeux ou que vous baissiez la tête les couleurs sont là, derniers bonheurs de la saison : les feuilles d'automne. Certains les appellent feuilles mortes, quelle erreur ! Elles ne sont pas mortes, elles se sont colorées et elles sont tombées. Mais comment ? Mais pourquoi ?

 

Leur couleur

Dix-huit octobre : « Quel spectacle éblouissant ! » s'écrie Jean-Louis, le randonneur en longeant le canal. La nature se transforme. Les tons changent dans le ciel comme dans les bois. Tout est orchestré. Depuis le printemps, les feuillages parent la campagne d'un camaïeu de verts, des plus tendres aux plus profonds. Le soleil réchauffe l'atmosphère, les journées sont de plus en plus longues, les nuits de moins en moins fraîches. Les plantes vont pouvoir respirer et, par photosynthèse, produire la chlorophylle. Voici donc les arbres nantis de toutes jeunes feuilles vertes qui se développent jusqu'à l'arrivée de l'automne. Les journées raccourcissent, le soleil est moins ardent, ses rayons ne frappent plus les feuillages de la même manière. Le phénomène de photosynthèse s'interrompt et les arbres entrent peu à peu en hibernation. La chlorophylle, devenue inutile, est dégradée par la plante et sa disparition entraîne la perte de la couleur verte au profit de pigments secondaires plus résistants. Ces derniers comme la xanthophylle ou le carotène donnent aux forêts des habits variant du rouge au jaune d'or. Bien organisée la nature !

 

Leur chute

Vingt et un octobre : « Incroyable ! » tempête François le jardinier, « J'ai ramassé les feuilles hier, l'allée en est encore couverte. Elles sont magnifiques, mais elles seraient tout aussi belles si elles restaient sur les branches » Bien sûr, mais la nature en a décidé autrement. Jusqu'à l'automne, la sève pénètre dans les tiges et alimente les feuilles. À la fin de l'été, le destin du feuillage est scellé. Une couche liégeuse se forme à la base de la tige, arrêtant l'eau, les minéraux et toutes substances nutritives. Le point d'attache s'affaiblit. Le vent d'automne souffle en rafales et la belle en robe d'or se retrouve sur le sol. Voilà l'arbre délesté. Pour lui, c'est le meilleur moyen de survivre à l'hiver. Sans frondaison, il se déshydrate moins et résiste mieux au poids de la neige et de la glace. Mais les feuilles d'automne ne sont pas rancunières, au pied de l'arbre elles vont devenir humus et symbole qui ramèneront l'an prochain le prodigieux spectacle automnal.

 

Leur surprise

Vingt-neuf octobre : « Encore ! » peste Roger furieux (il vient de chercher son courrier) « des feuilles sur le sol, sur les flaques, dans les maisons et même dans la boite aux lettres ! » Mais celles-ci sont bien différentes de celles du jardin. Ni colorées, ni attrayantes, ni gracieuses, ni porteuses d'espoir. Elles sont fades, uniformes, quelconques, voire tristes. On ne les regarde pas, on les examine, on ne les contemple pas, on les subit. Tous les ans, à la même saison, elles se tapissent au fond des boîtes à lettres, bien protégées dans leurs enveloppes officielles. Nul espoir qu'elles se transforment ou qu'elles disparaissent, nul espoir qu'elles restent lettres mortes. Il faut ouvrir, regarder et sans délai sortir son portefeuille car ces feuilles ne sont là que pour le délester. Un remède : sortez, levez le nez et avant que les arbres ne ressemblent à de grands escogriffes dénudés, régalez vos yeux des couleurs de l'automne.

 

Dany Guillon

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