Passion magique

De la marmite informatique familiale au sport électronique1 professionnel

Alexis Sevré, 17 ans et demi, vit à Belin-Beliet. Né dans une famille immergée dans l’informatique, parents et frère œuvrant dans le domaine, il se passionne très jeune pour les jeux vidéo en ligne et envisage d’en faire son métier, ce que le sport électronique permet.

 

Garder la main

À un an et demi, Alexis alias ELEXIT joue déjà sur un clavier d’enfant. À 11 ans, il s’essaie à quelques parties en ligne, mais avoue : « Vite stressé par la compétition à distance, j’ai délaissé le jeu ». À 12 ans, il découvre Rocket league, mélange de course automobile et de football. Par équipe ou seul, « le joueur manœuvre un véhicule équipé de propulseurs et contrôle la conduite du ballon pour marquer dans le but adverse ». Il se consacre exclusivement à ce jeu.

À 14 ans, Alexis termine 4e d’un tournoi à Poitiers. Le rythme est effréné, avec des manches de trois à cinq minutes, pendant lesquelles les joueurs sont en apnée. Gaëtan Meunier (cf. encadré), coach d’une équipe adverse, remarque sa maturité et ses qualités techniques avec le clavier et la souris. Il le prend en charge de 15 à 17 ans depuis Nantes.

À l’approche des compétitions, Alexis s’entraîne plusieurs heures par jour pour ne pas perdre la main ! Il franchit rapidement l’échelle des classements pour atteindre le plus haut niveau : SuperSonique League. Il concourt au niveau européen, en équipe, dans des tournois en ligne ou en présentiel, comme à Troyes en 2021. Son objectif : « soulever le trophée de champion du monde d’ici trois ans. »

Dans le même temps, en solo, il bat des records du monde de course d’obstacles et de contrôle de balle. Cela lui permet de gagner quelques centaines d’euros à chaque record battu et tournoi remporté ou classé dans les trois premiers. Ses exploits sont vus par plus de 500 000 YouTubeurs.

Alexis constate : « J’ai pris conscience des progrès à réaliser et je m’astreins à effectuer des tâches fastidieuses mais essentielles, comme analyser les parties à posteriori, étudier et corriger les erreurs commises, adapter et anticiper le jeu d’équipe, etc. »

 

Respect des valeurs

Composé de trois joueurs en général, un team intègre aussi un manager et un coach. Le premier repère les tournois auxquels inscrire l’équipe en fonction du niveau et des disponibilités. Le second assure la cohésion et la performance collective en travaillant les points forts, la tactique de jeu et ce qu’il faut corriger. À haut niveau, s’ajoute un coach mental qui, pour Gaëtan « entretient l’équilibre psychologique des joueurs et rassure, car la compétition, c’est autant de défaites que de victoires. » Le coach passe un contrat moral avec le joueur en créant un projet à hauteur de l’ambition affichée, souvent très forte, qu’il faut canaliser.

Gaëtan entraîne Alexis « non seulement sur la technique et la rapidité, mais aussi sur la stratégie de compétition, le positionnement dans le jeu, la synergie avec les coéquipiers et la capacité à se coordonner avec eux, leur parler en jouant et alterner les rôles en anticipant les actions de l’adversaire. »

Il tient particulièrement au « respect des valeurs de fairplay, bienveillance, cohésion d’équipe et solidarité, dans une approche globale pour préparer le joueur, lui apprendre la gestion de l’autonomie et l’aider à se construire en tant que personne ! C’est une aventure humaine. »

Bilingue en anglais technique, Alexis comprend vite l’importance de communiquer avec des partenaires espagnols, finlandais ou allemands. Tendu vers l’objectif, il reconnaît aujourd’hui « avoir une approche plus professionnelle, en transformant l’adrénaline du jeu en énergie positive. »

Les championnats, interrompus pendant la pandémie, reprennent cette année 2022.

Comme au football, il existe un mercato où les équipes se constituent pour attaquer les nouvelles compétitions. Repéré au niveau européen, ELEXIT vient de signer un contrat professionnel avec le team BS+Competition. Ses coéquipiers professionnels sont de Stuttgart : Sandro alias FREAKII, classé dans le top 4 européen à 24 ans, est très expérimenté ; il a participé aux championnats du monde à Madrid, Washington et Londres. David alias RESEARS est lui classé numéro 1 mondial technique à juste 18 ans. Il va les rencontrer prochainement en Allemagne.

 

Objectif Dallas

Ses parents lui apportent tout leur soutien, mais ont exigé « 15 de moyenne au collège puis au lycée aussi et coucher à 21 h en semaine. » jusqu’au bac. Alexis a tenu cet engagement et figure aujourd’hui dans le top 30 des meilleurs joueurs français et parmi les 100 meilleurs européens.

 « Il est talentueux techniquement, est un duelliste efficace devant le but. Il appréhende les aspects tactiques en profondeur, fait briller ses partenaires et s’entraîne avec eux pour réussir l’alternance » dit Gaëtan, qui continue à le conseiller par amitié.

Le bac en poche dans quelques semaines et fort de son contrat, Alexis va prendre une année césure pour être professionnel à temps plein.

Il devient un sportif de haut niveau au planning millimétré : entraînement technique et collectif de quatre à huit heures par jour, réparties entre Rocket League, travail mental sur la gestion du souffle et du stress, hygiène et équilibre de vie, aération et distraction loin du jeu vidéo.

Déjà se profilent les joutes européennes, avec la perspective d’être qualifiés pour le prochain tournoi mondial à Dallas. Les passeports sont prêts ! Dans deux ans, ce seront les Jeux Olympiques de Paris. Alors pourquoi ne pas intégrer une équipe française et concourir pour une médaille ?

 

Éric Dabé

 

1 Traduit par eSport, désigne la pratique d'un jeu vidéo, sur internet ou dans un rassemblement éphémère, seul ou en équipe, avec un ordinateur ou une console de jeux vidéo.

 

Encart 1

Gaëtan Meunier, 34 ans, vient de l’industrie automobile. Joueur lui-même, il a un statut de microentrepreneur et se rémunère quand il coache des joueurs et leurs équipes, rédige des articles pour Canal J, commente des tournois, etc.

 

Encart 2

Le Comité international olympique a créé une passerelle entre le monde sportif et la communauté des eSports.

En France, le Ministère en charge du numérique, a mis en place un cadre juridique spécifique pour l'organisation de compétitions payantes, la participation de mineurs aux compétitions dans des conditions adaptées et l'emploi de joueurs professionnels de jeux vidéo sous un contrat de travail ad hoc. En marge des Jeux Olympiques de Tokyo, deux compétitions sur Street Fighter V et Rocket League, par équipes nationales, ont eu lieu. La délégation française formée par le trio Vitality, champion d'Europe, a remporté la médaille d’or de l'Intel World Open sur Rocket League.