Taxidermie, un art

 

 

 

Redonner vie aux animaux sauvages ou domestiques, c’est le métier-passion de la Bordelaise Stéphanie Barthes.

 

 

 

La boutique est au rez-de-chaussée d’une maison Art Déco dans le quartier de Caudéran. Une boutique pas comme les autres. Dans la double vitrine, rien que des animaux de petite taille. Franchi le seuil, confirmation : on est bien dans la salle d’exposition d’une taxidermiste, en l’occurrence, Stéphanie Barthes, installée là depuis sept ans. Car le regard découvre d’autres animaux exposés sur un manège en bois : deux lions imposants à la magnifique crinière beige et au regard paisible d’animal rassasié ; deux paons orgueilleux, l’un au plumage virginal et l’autre, paré de couleurs splendides ; à proximité, un petit chien noir sur ses quatre pattes ; une biche tendre, craintive encore, semblant protéger son petit, debout sous son poitrail ; un renard roux tendu sur le sol en attente d’une proie ; une chouette aux yeux ahuris ; un zèbre à l’arrêt ; un aigle attentif. Contre le mur, en face, un poney orphelin et, tout près, un cheval de légende décoré d’ailes déployées. Au mur, différents trophées de chasse. Ce domaine, où le contraste de ce lieu, qui semble aller de la mort à la vie, vous submerge, est celui d’une jeune et jolie fille, Stéphanie Barthes. Une jeune femme moderne, gaie, avenante, par ailleurs artiste et performeuse, que l’on n’attend pas exerçant ce métier de taxidermiste. Ce sont pourtant son talent artistique, sa sensibilité, sa minutie, sa psychologie, la précision de ses doigts qui redonnent à ces animaux une deuxième existence.

 

 

 

Œuvre d’art

 

« J’ai pris la suite de Mr Lormoy après plusieurs années de formation, raconte-t-elle. J’ai commencé par venir admirer son travail. Petit à petit, je suis venue le voir plus souvent, jusqu’au moment où je lui ai proposé de m’exercer à cet art manuel. Puis je me suis initiée à redonner la vie aux animaux vertébrés. La formation s’avère longue car le travail est minutieux. À la longue, j’ai pu lui prouver enfin que j’étais capable de le seconder. Lorsqu’il a pris sa retraite, j’ai assuré la suite et mes années passées aux Beaux-Arts m’ont été très utiles. La clientèle de Mr Lormoy m’a suivie et m’accorde la même confiance. La plupart des clients sont des chasseurs. Mais les cirques aussi me contactent lorsque meurt un animal de la ménagerie et enfin les particuliers qui veulent garder leurs animaux de compagnie. Ils ne conçoivent pas de s’en séparer définitivement. Pour ces derniers, je fais le maximum pour alléger leur chagrin. Je veux faire une œuvre d’art. »

 

 

 

Minutie et doigté

 

Stéphanie précise « Le naturalisme, (ou taxidermie mais je préfère le terme naturalisme), est un travail très manuel, pas toujours agréable mais facilité quand même par les produits modernes mis à notre disposition. Des moules en résine à la dimension requise remplacent la paille qu’on utilisait autrefois. Mes études aux Beaux-Arts me servent pour le maquillage des têtes des animaux. »

 

Le travail du naturaliste comprend plusieurs étapes raconte la jeune femme. La première, c’est le dépeçage : « Pour ce faire, j’utilise des outils mais surtout les mains. Ensuite à l’aide d’une machine, j’affine l’épaisseur de la peau. Puis viennent le tannage, le séchage et en dernier, l’adaptation de la peau au moule prévu. Comme au départ j’ai dû retirer la tête de l’animal, je dois tout en conservant la peau, donner au moule la forme qui s’y adaptera. La touche finale ce sont les yeux qui sont généralement en verre et que j’achète également. C’est un travail solitaire que j’aime énormément mais qui ne me permet pas d’en vivre. C’est grâce à mon mari que je peux exercer ma passion. »

 

 

 

Toute une histoire

 

La taxidermie, qui remonte à la préhistoire, est bien distincte de la momification et de l’embaumement.

 

Depuis l’Antiquité, les hommes ont tenté de conserver certains animaux. Au XVIIIe siècle, la taxidermie devient un art grâce à la découverte par Jean-Baptiste Becouer de l’utilisation du savon arsenical.

 

Au siècle des Lumières, époque des grandes expéditions, des voyageurs naturalistes dépouillent des spécimens sur place et ramènent les peaux conservées dans des tonneaux de rhum.

 

On tente de naturaliser les premiers grands mammifères pour Les jardins du roi, actuellement le Muséum d’histoire naturelle. L’utilisation de nouveaux matériaux de modelage va accorder de l’importance à  l’anatomie et à la gestuelle. 

 

Arlette Petit