Un ours pas comme les autres

 

Touche-à-tout artistique, le Bordelais Philippe Coudray est le père de l’ours Barnabé, star internationale de la BD, poète et philosophe

 

Dans les années 1980, peu attiré par les études classiques formelles, Philippe développe un art très particulier basé sur l’humour et le décalage. Il se consacre au dessin humoristique non lié à l’actualité, genre qui s’est développé en parallèle au dessin satirique politique. Revues et journaux ont alors publié Chaval, Bosc, Voutch et bien sûr Sempé et Faizant croquant la société avec talent. Gelluck en est actuellement le leader. Philippe a, quant à lui, inventé son personnage fétiche, son alter ego, l’ours Barnabé et son fidèle ami le lapin. 

 

L’ours philosophe 

Sur une page de trois à six vignettes, Barnabé se met en situation et apporte sa solution avec sérénité et astuce : il peint, sculpte, marche, voyage, invente et surtout observe et réfléchit, c’est un héros dont la seule force provient de l’intelligence et non des muscles. « Il nous démontre la suprématie de l’esprit sur les choses. » Ce non violent (comme Philippe, ardent défenseur des Tibétains) est libre et sans besoins, ne stocke rien et vit dans une nature préservée « c’est le monde de l’enfance qui a grandi sans se perdre », « son humour offre du sens à la vie de tous les jours, et pour cet ours très zen, cela finit souvent par une petite sieste. » 

La réalité de Philippe, consommateur très modéré et peu connecté, rejoint complètement la fiction de Barnabé. 

Le dessinateur élabore d’abord longuement et soigneusement des gags ou des messages puis il les soumet à son ours Barnabé avant de les coloriser à l’ordinateur, seule concession aux Temps Modernes, « l’aérographeur était devenu bien fastidieux. » 

 

Pour la jeunesse 

Barnabé est d’abord paru dans des revues pour enfants (Fripounet, Hibou, Perlin) puis dans Sud Ouest et SO dimanche, Le Mulot ou L’Hebdo de Bordeaux. Philippe Coudray a publié une trentaine de livres, certains chez l’École des loisirs ou Fleurus), changeant plusieurs fois d’éditeur. Il travaille actuellement avec la Boîte à Bulles qui a repris l’intégralité de son œuvre. Son ours est polyglotte, s’exporte en Chine, au Japon, en Allemagne, en Suède et même aux États Unis. 

Philippe a participé à de très nombreuses expositions de dessins à Bordeaux et dans la région et a reçu le Prix des écoles à Angoulême. Dans le cadre de la maîtrise de la langue française, il participe à la lutte contre l’illettrisme dans un programme de l’Éducation nationale. Il illustre de nombreux livres pour la jeunesse dont ceux de son frère, comme Le Musée des animaux et monstres marins dans la littérature aux Éditions Zérak. Enfin, il dessine de nombreuses couvertures de livres. Son addiction à la nature profonde nous entraîne avec lui à la recherche d’espèces inconnues encore à ce jour n’existant que dans la tradition orale de certaines tribus d’indigènes. Celles-ci sont rassemblées dans un manuel de crypto zoologie Le guide des animaux cachés aux Éditions du Mont. Reste à prouver leur réalité, d’ailleurs Philippe traque lui-même au Canada, avec quelques inconditionnels, les traces du Bigfoot, cousin du yéti. 

 

 Proche du Cubisme 

Philippe aime peindre, pour lui c’est complémentaire de la BD, mais à la différence de celle-ci, il ne planifie rien, juste une vague idée de sujet. « Je peins à plat et je procède par morceaux qui se juxtaposent les uns aux autres. Autrement dit, même en cours, la peinture doit être à chaque instant achevée. » Par les thèmes choisis, il se rapproche du cubisme : dessins naïfs, coloris francs, lignes de perspective décalées. Les petits l’aiment autant que les grands. Il a exposé en de nombreux lieux très divers, plus de 25 fois depuis 1980 : manifestations en solo ou en collectif à Bordeaux (galerie France, rue de la devise) à l’Académie des Beaux-Arts, dans des médiathèques ou des maisons de retraite, chez Isidore Krapo, au Forum des arts à Talence autour de Gabriel Okoundji ou sur le thème des animaux. Philippe s’adonne également au dessin en relief, à l’aquarelle et à la photographie. Le principal pour lui est de défendre ses idées sur la tolérance, la non-violence et la défense de l’environnement. 

 

Édith Lavault