À Claveau, les idées poussent

La rénovation de la cité-jardin, construite à Bacalan par la ville de Bordeaux dans les années 1950, est un projet urbain inédit où les habitants sont très impliqués.

 

 

Lovée entre le Pont d’Aquitaine et la Garonne, la cité Claveau, ignorée des Bordelais, repliée sur elle-même, vieillissait inexorablement en même temps que ses habitants, installés là pour certains d’entre eux depuis la construction dans les années1950. Une première rénovation dans les années 1980 n’a pas suffi à empêcher la lente dégradation des maisons et des espaces publics, abandonnés aux herbes folles, aux voitures et à l’errance de certains jeunes.

Répondre aux besoins de confort de la population, dévoiler le charme caché de la cité et régénérer son esprit village, telle est l’ambition du bailleur social Aquitanis, propriétaire actuel d’une grande partie des maisons. Géraldine Bensacq, pilote du projet de rénovation, l’a présenté à L’Observatoire.

 

À la carte

En 2014, un projet de réhabilitation inédit est validé, associant tous les acteurs concernés : Aquitanis, les habitants, des architectes et paysagistes, des bâtisseurs et les collectivités. Tous se réunissent, font l’état des lieux et, pas à pas, définissent ce qu’ils veulent : valoriser l’existant des maisons, engager les travaux essentiels (toiture, isolation, chauffage…), organiser des ateliers pour former des résidents à l’auto-réhabilitation de leur logement, ouvrir les jardins, requalifier les places, en changer l’usage et régénérer l’esprit village. Les acteurs, multiples, doivent travailler ensemble, sortir de leur zone de confort car il n’y a pas de plan-guide. C’est un grand défi. La rénovation est progressive, à la carte. « On avance pas à pas, îlot par îlot, maison par maison » explique Géraldine Bensacq. La lenteur est féconde car elle permet l’adhésion des résidents. Plus de la moitié des pavillons est restaurée à ce jour.

 

Une maison pour les roses

Que Claveau retrouve sa vocation de cité-jardin, c’est un des objectifs des acteurs. Il fallait requalifier les espaces communs dégradés : les maisons ont chacune un jardin très clôturé en général, pourquoi ne pas les ouvrir et les agrandir en empiétant sur les vastes espaces libres, créer des coins pique-niques à l’ombre des grands arbres, bien canaliser les voitures et embellir le riche réseau de sentes. « On a d’abord créé une pépinière avec les habitants pour constituer une réserve de végétaux pour les jardins et pour planter des arbres sur les places puis on a réalisé un potager commun et enfin une roseraie » précise Géraldine Bensacq. Dans les jardins et sur le seuil des maisons, des rosiers, parfois très anciens, ravissent les promeneurs au printemps. Pourquoi ne pas créer une roseraie au milieu de la cité pour les conserver et les échanger ? Bonne idée : des étudiants paysagistes conçoivent une Maison de la rose, installée un cœur d’un îlot de maisons et les habitants sont invités à y planter des boutures de leurs rosiers.

 

Culture sous abri

Que faire des 6 blockhaus, vestiges indestructibles de la 2de guerre mondiale ? « Pourquoi pas de l’agriculture urbaine ? interroge Géraldine Bensacq « PLATEAU* est créé pour accompagner des producteurs d’un genre nouveau. Tarik Toubal, locataire d’un bunker, cultive sur des bottes de paille une ribambelle de champignons, notamment des pleurotes. Vous les trouverez sur le marché des Capucins ou directement au blockhaus. Dans un autre bunker, c’est un jeune œnologue, Laurent, qui élève ses vins à partir de raisins achetés dans la région chez des viticulteurs bio. Vous pouvez aller les goûter dans les Chais du port de la lune. » Juste à côté, pour protéger les petits animaux sauvages qui vivent près de nous et très utiles comme les abeilles, les hérissons, les chauve-souris, les hirondelles… Tous aux abris, association fondée par Didier, fabrique des ruches et des abris. Toujours au PLATEAU, Isabelle initie les résidents au compostage, Place aux jardins organise des ateliers de jardinage. Géraldine Bensacq ajoute en souriant : « Un nouveau projet est déjà en gestation : cultiver des endives, dans un bunker disponible évidemment ! »

Marie Depecker

*Plateforme locale d’animation et de transition par l’agriculture urbaine