Le retour des péniches

La péniche Tourmente sur le canal latéral à la Garonne

Tournée vers le tourisme fluvial depuis de nombreuses années, Bordeaux cherche à réactiver le fret via la Garonne.

 

Quelle effervescence le long des quais de Bordeaux ! Des péniches remplies de marchandises à décharger, un va-et-vient d’engins de levage, des grues en mouvement, des cris, des ordres. Quelle cacophonie ! Que se passe-t-il ? En quelle année sommes-nous ?

C'est encore de la science-fiction.

La Garonne et l’estuaire de la Gironde pourraient être une réponse aux préoccupations environnementales de transport de marchandises et facteur de développement économique. Redonner au fleuve une part plus importante en tant qu’acteur du fret lui permettrait de renouer avec son passé. C’est l'objectif du schéma directeur des équipements fluviaux signé en 2022 par un collectif d’acteurs publics et privés de la Métropole bordelaise.

 

Réserve flottante

Au niveau économique, le transport fluvial apporte une réelle capacité de transport : les volumes acheminés par voie d’eau peuvent être supérieurs à ceux des autres modes de transport de fret. Le réseau offre une disponibilité maximale sans embouteillage. Les livraisons par voie fluviale respectent en général les délais, même au cœur des agglomérations.

L’utilisation de la voie d’eau évite les pertes de temps en formalités administratives ou en préparation d’itinéraires. Le transport fluvial permet également de stocker de grandes quantités de marchandises. C’est sa fonction de réserve flottante. Les accidents sont particulièrement rares. Le vol ou la dégradation des marchandises sont réduits. Enfin, pour certaines marchandises, ce transport est le moins coûteux.

Au niveau écologique, il émet jusqu’à cinq fois moins de CO2 que le transport routier pour une tonne transportée et il est plus silencieux. Pour la même quantité de marchandises acheminée, un bateau consomme trois à quatre fois moins d’énergie qu’un camion. Au niveau de la livraison, il permet la décongestion routière, facilite l’accès au cœur des villes et la garantie des horaires.

 

Vélos cargo ou voitures électriques

Un premier test de logistique urbaine fluviale par le collectif d’acteurs de Garonne Fertile a eu lieu en mai 2021, avec cinq tonnes de produits alimentaires acheminés par la péniche La Tourmente depuis Damazan (Lot et Garonne). Un collectif d’entrepreneurs, Manger bio Sud-Ouest, L’Équipage Tourmente, restaurant Casa Gaïa, Hydrogène Vallée…, avec la Communauté de communes du Confluent et des Coteaux de Prayssas, est à l’origine du projet, épaulé par la Métropole et le Grand Port Maritime de Bordeaux.

Une seconde expérimentation a lieu l’année suivante avec un objectif plus ambitieux : un chargement de plus de 30 tonnes de marchandises (produits agroalimentaires, déchets du secteur du BTP et bio déchets), l’essai d'un nouveau système de manutention avec une grue embarquée et une grue flottante, l’intégration d'un container frigorifique pour livrer des produits frais, une liaison entre les ports de Damazan et Bordeaux plus rapide, passant de cinq à deux jours. L’utilisation renforcée de caisses plastiques consignées doit réduire les emballages et optimiser la logistique du dernier kilomètre menée par des vélos cargos ou voitures électriques.

 

Trouver des flux réguliers

L’évaluation réalisée après cette deuxième expérimentation va déboucher sur une étude à venir financée par l’ADEME1 pour définir dans quelles conditions techniques (les infrastructures) et économiques (partenaires privés et publics), le fret fluvial peut être développé.

Mais certaines contraintes doivent être prises en compte à Bordeaux. En effet, les quais sont classés au Patrimoine de l’UNESCO, les marées entrainent des modifications de niveau d’eau du fleuve.

Pour que le fret fluvial soit moins coûteux que le transport routier, il faut trouver des flux entrants et sortants réguliers de marchandises et mettre en place des sites de massification2 afin d’aboutir à une réelle alternative rentable.

Des rendez-vous réguliers ont lieu avec les différents acteurs depuis 2022 pour développer des partenariats privés pérennes, identifier et budgétiser les infrastructures à construire. Toute cette dynamique vise à aboutir en 2025 à la création d’un modèle fluvial organisé et rentable.

Sylvie Lacombe

 

1ADEME : Agence de la transition écologique

 

2Massification : regroupement de biens afin de les expédier en lots