Au fil du tram

Toutes les photos sont de D. Sherwin-White

 

 

Les habitants de Bordeaux Métropole ont vu apparaître le long des lignes de tram, des sculptures contemporaines. L’Observatoire vous invite à la découverte de certaines d’entre elles à Bordeaux. 

 

Décloisonner l’art est le défi lancé dans les années 2000 par le ministère de la culture en coopération avec les acteurs locaux, en l’occurrence, ici, Bordeaux Métropole. Dès 2002, en prenant comme fil rouge le tram, la Métropole projette de mettre des sculptures contemporaines à la portée de tous. Une collaboration étroite naît alors entre Alfred Pacquement, directeur du Musée national d’art moderne au centre Georges Pompidou et 3 comités artistiques composés de personnalités locales issues de la DRAC1, DGCA2, l’école des Beaux-Arts et un amateur d’art. 

 

Un lion “brutaliste” 

Face au pont de pierre, à proximité du tram A, la place Stalingrad accueille un lion de 8 m de long, 6 m de haut, la patte avant droite posée sur un rocher, l’allure altière. Il marque l’entrée sur la rive droite. « Je voulais quelque-chose de totémique, d’immédiatement repérable par les passants, un symbole de fierté et de force » dixit Xavier Vailhan. Ce sculpteur animalier français réalise ses œuvres à l’aide d’un scanner 3D. Ici, les facettes polygonales, fabriquées en matériaux composites de polystyrène, s’appuient sur une structure en métal et résine polyester. La couleur monochrome bleu ciel tempère « le style brutaliste de la sculpture ». Mal accepté pour son décalage avec le style architectural du XVIIIe siècle, il est devenu au cours des années, un repère visuel. On s’y donne rendez-vous, on fait des selfies. Empruntons le pont de pierre et longeons la Garonne. 

 

Miroir, beau miroir 

Tram C, face à la place de la Bourse, le plus grand miroir d’eau du monde, 340 m2, est livré en 2006 et inscrit au patrimoine mondial contemporain. Le fontainier parisien Jean Max Llorca, assisté de l’architecte Pierre Gangnet l’on imaginé spécialement pour Bordeaux pour refléter la place de la Bourse. Il est depuis exporté sous différentes déclinaisons. Encadré par un dallage de 2 000 m2, son sol en granit noir reçoit 2 cm d’eau pour l'effet miroir, suivi d’un effet brouillard pouvant atteindre 2 m de haut. La nuit venue, sa mise en lumière lui confère un aspect magique. C’est le point central de 5 850 m2 de quais réaménagés par le paysagiste Michel Corajoud où se côtoient jardins, pistes cyclables, chemins piétonniers, aires de jeux. Il attire les visiteurs, rassemble les familles lors de joyeux moments rafraîchissants. Arrivée Quinconces départ ligne B. 

 

Une femme à l’Opéra 

Implantée entre l’Opéra et la très fréquentée rue sainte Catherine, ce visage de femme impose une halte. Sereine, Sanna tient compagnie aux Bordelais depuis juin 2013. Elle est la seule rescapée d’une série de 4 visages de femmes réalisées en bronze par Jaume Plensa qui avait exposé également des œuvres en métaux symbolisant l’amitié à travers le monde. Elle nous est devenue familière et pourtant elle pourrait nous quitter bientôt, car elle appartient depuis 2014 à un amateur d’art qui l’a élégamment prêtée à la ville de Bordeaux pour 7 ans. Une toilette lui a été imposée tout récemment lui rendant sa patine initiale. Continuons sur la même ligne. 

 

Ode au terroir 

Au cœur de la place de la Victoire, une colonne hélicoïdale flanquée de deux tortues, rend hommage à la vigne et aux vins. L’architecte Bernard Huetest, chargé de la restructuration de cette place, a confié la réalisation de cet obélisque à Yvan Theiler. Elle est composée de six blocs de marbre rouge assemblés deux par deux dans ses ateliers de Pietrasanta (Italie), mesure 16 m de haut, pèse 50 tonnes. On peut distinguer sur ses flancs des grappes de raisins, une tête de Bacchus…Sa base offre sur deux côtés opposés de fausses portes en bronze tandis que sur les deux autres, des bas-reliefs représentent l’histoire du vin et des vignobles de l’Antiquité à nos jours. Une mère tortue et son petit, symbole de sagesse et de longévité, portant dans la bouche une grappe de raisin, complète cet ensemble. Les enfants aiment grimper sur leur dos. Ici, la population multiculturelle s’est approprié cet endroit où de nombreux bars restaurants et quelques bancs vous sollicitent pour un moment convivial. 

Pari gagné. 

Jeanine Duguet 

1 DRAC : Direction régionale des affaires culturelles 

2 DGCA : Direction générale de la création artistique au Ministère de la culture