Selor, poète du street art

 

Les murs abandonnés de la ville s’habillent de poésie, les portes murées se parent de gaieté : David Selor et son fin renard sont passés par là.

  

L’artiste David Selor a revêtu la ville de Bordeaux d’une centaine d’œuvres au graphisme simple mais élégant, qui se déclinent dans un camaïeu de teintes douces, inhabituelles. C’est le feuilleton de Mimil, le renard, qui garde toujours son œil fermé, et n’a pas de bouche. L’animal garde-t-il en mémoire le portrait de ces enfants autistes que David a accompagné pendant un an, lors de son service civique européen au Portugal ? Il souhaitait alors devenir éducateur spécialisé. Sa vocation de délivrer des messages au plus grand nombre prenait forme. 

Tout a commencé à Cognac, à la grande époque des graffs sous les ponts, au sein d’un collectif d’artistes. Il ne savait pas encore qu’il pourrait un jour vivre de sa passion. S’est ensuivie une période de papier collé, dont la redoutable et rapide détérioration l’ont rapidement mené à s’exercer sur des surfaces murées, des parpaings, des portes condamnées. 

Au milieu des ronces et de la poussière, renait la fraîcheur apportée par les textes et l’attitude toujours sereine du renard. Comme Mimil, le grand-père de David, le renard est un taiseux, il ne parle que pour dire des choses importantes :

 

Encadré 

L’amour : 

Ce qu’on sème se consomme pendant que ceux qu’on s’aime se consument 

Les amants s’aimant s’attirent comme des aimants 

On s’envoie en l’air mais l’amour ne tombe pas du ciel 

L’innocence : 

L’arnaque était grosse comme un éléphant. Pourtant je me suis fait tromper. 

Je veux bien retourner à l’école, mais seulement en juillet août 

Plus on cherche des réponses, plus il y a de questions 

Le poète : 

L’herbe est plus verte ailleurs, même quand on voit la vie en rose 

Les excessifs du soir sont les victimes du matin 

Je pense donc je fuis 

 

Autant de petites bulles philosophiques offertes aux passants de la rue. À 31 ans, David Selor est devenu une signature. Les commandes abondent, la dernière en date étant une fresque de 12 mètres de haut par 6 mètres de long en hommage de Saint François-Xavier, au lycée de Tivoli. Le saint, à la tête de Mimil, danse au-dessus des blés en direction des nuages. Comme l’artiste, il décolle, car David Selor peut désormais s’affirmer artiste peintre professionnel.

Dominique Galopin