Les "pallettes " de Krapo

Isidore Krapo au coeur du chateau Pallettes( photo D. Sherwin White)
Isidore Krapo au coeur du chateau Pallettes( photo D. Sherwin White)

 

L'artiste Isidore Krapo a installé, près des Capucins, un atelier qui « ... titille l’imaginaire et console les petits chagrins. »

 

Amis curieux des lieux où l’art se conjugue avec étrangeté et originalité, laissez vos représentations classiques devant la porte du 17 rue Elie Gentrac. La montée d’un long escalier vous y aidera.
Le château Pallettes1, baptisé avec deux ailes par le maître des lieux Isidore Krapo, s’ouvre à̀ vous. La porte franchie, les couleurs prennent le pouvoir. Oubliée la grisaille hivernale. Le regard recouvre son souffle et, guidé par l’artiste, se pose au hasard sur des empilements, des collections, des mobiles, des toiles, des palettes usagées, des tubes épuisés, des crayons rognés, tout cela agencé sur quatre niveaux. Il y a des paliers, des rambardes, des recoins, des poutres et tout en haut une verrière, puits de jour typique des maisons du vieux Bordeaux. Cette architecture de bois est construite avec des palettes du Marché des capucins, très proche.

 

Les confitures de l’esprit 

Dans une armoire, sont alignés des pots en verre, scellés avec de la cire rouge.
Il prévient : « Voici la mémoire archéologique du quotidien. » Dans chacun, dédié́ à un évènement national ou personnel vécu par l’artiste, s’empilent des petits objets à première vue insignifiants mais qui symbolisent un temps vécu, un temps perdu. Sur les étiquettes : coupe du monde 98, interview avec Marie Laure Augry, journaliste à TF1, voyage au Vénézuéla etc. « Ils sont tous répertoriés, certains ont été vendus à des collectionneurs, il y en a en Biélorussie, dans l’Himalaya... ».
 

 

Dans les étoiles 

Des sculptures dominent la première mezzanine. Trois cosmonautes arborent des casques dorés à la feuille d’or et à la feuille de palladium. Des soleils irradient. Isidore Krapo raconte : « J’avais 12 ans, ma mère m’a emmené voir à la télé le premier homme qui a marché sur la lune, ça m’a marqué. Plus tard j’ai lu le livre Bivouac de Norman Mailler, apôtre de la contreculture. » Taillées dans du pitchpin, ces sculptures représentent la fusion entre le souvenir d’enfance et la lecture de l’adulte. Il ajoute : « On ne saura jamais si la machine n’est pas douée d’intelligence. » L’artiste va plus loin. « L’espace peut se traduire dans une œuvre peinte, mais la vitesse ? » Passionné d’avion, il a posé sur une immense toile un engin qui traverse la diagonale. Les ailes brillent, couvertes d’or, de cuivre et d’argent. Elles donnent l’impression de puissance, voire de vitesse. 

 

Encore plus haut 

Les grandes toiles sont alignées. Sur l’une d’entre elles, l’auteur présente « une ode à notre région viticole sous forme de fable ». Poussin, Jérôme Boch, Le Titien y sont conviés, eux qui ont célébré Bacchus, les bacchanales et les noces de Cana. Univers très coloré, un foisonnement de personnages, rendent compte de la fête, de l’ivresse. Isidore : « Je n’ai rien inventé, je cuisine en concordance entre les évènements et le contexte dans lequel je me trouve. » De retour de Lituanie, l'artiste peint une série de tableaux en hommage aux forêts traversées : des troncs rouge vermillon sur fond vert anis, d’autres bleus constituent une série haute en couleur. 

Autant de visites de cet atelier, autant de nouvelles découvertes et surtout autant d’échos chez le visiteur. Isidore Krapo conclut : « Je fais l’artiste, la postérité dira si j’en suis un. La couleur est un bouclier, une arme passive. Je pratique les arts du silence, je peins, je dessine, je sculpte et tout cela s’avère bien bavard. » 

À chacun de cheminer dans ce lieu et de se l’approprier ou pas.

 

Danièle Gardes 

1Visites de l’atelier en escalera les 1/01, 2/02, 3/03 : un artiste est invité chaque mois. 

 

Toutes les photos sont de D. Sherwin White