À la découverte du raku

Le four raku et l'embrasement des pièces (photos de J.L.Deysson)

Où l'argile surgit, un four se construit.

 

Quels que soient le territoire, la contrée, le pays, partout le feu se manifeste. C'est la magie du feu qui transforme la glaise en accessoire domestique ou en œuvre d'art. Au début de l'automne, Labastide Clairance, village typique du pays basque fêtait ses 700 ans. À cette occasion, était organisée une manifestation des métiers du feu et en particulier des potiers et céramistes. Une cinquantaine d'exposants occupait tout l'espace de la rue principale et de la place.

 

De l'Extrême-Orient

Au détour d'un passage entre un vitrier d'art et une exposition de photos du patrimoine, une flèche nous invitait à faire la connaissance du raku.

L'association L'envers des couleurs, située à Soustons dans les Landes, proposait une démonstration de fabrication de poteries raku.

Le raku, prononcez rakou, est une technique de cuisson de poterie d'origine japonaise du XVI siècle, utilisée autrefois lors de la cérémonie du thé dont le rituel était lié étroitement à la philosophie zen. On émaillait et on cuisait son bol avant de l'utiliser pour boire le thé. Le bol est réalisé à partir d'une galette d'argile. Les parois sont façonnées avec la paume de la main de l'extérieur vers l'intérieur, puis terminées à la spatule. La prise du bol rappelle le geste du buveur d'eau avec ses mains.

L'appellation raku qui signifie joie, plaisir du loisir ou bonheur dans le hasard devint le patrimoine des potiers pratiquant ce genre de cuisson et ce nom se transmit de génération en génération.

 

Le raku in-situ

On tourne, on modèle ou on sculpte un objet en terre. Après séchage, on procède au biscuitage qui est une première cuisson avec une montée très lente en température entre 800 et 850°. Les pièces proposées à la cuisson étant déjà biscuitées, on les émaille directement, soit par trempage, soit au pinceau. On utilise des émaux de base (mélange de sable siliceux, de potasse et de soude) ou on peut les colorer avec de oxydes métalliques. Ici, une grande variété d'émaux est proposée au public qui choisit le pinceau afin de laisser cours à l'imagination créatrice.

Une fois émaillées, les pièces sont placées délicatement dans la chambre de chauffe du four. Celui-ci ressemble à une capsule spatiale avec, à sa base, une rampe de combustion alimentée par une bouteille de propane et sur le dessus une cheminée. On peut, par cet orifice, avec précaution, observer la cuisson des poteries.

La température, objet de toutes les attentions des futurs créateurs, est surveillée par la céramiste.

Les émaux de raku fondent et se vitrifient autour de 950°. La durée de cuisson varie suivant la taille des pièces et leur nombre. La température atteinte, commence le défournement. On ouvre le four et à l'aide de grandes pinces métalliques, on extrait une à une les poteries incandescentes que l'on met en contact dans un bac d'enfumage avec de la sciure de pin naturelle, non polluée par quelque solvant. L'embrasement est immédiat, l'ajout de sciure alimente le foyer. L'obturation du récipient par un couvercle produit l'enfumage. Commence la phase de refroidissement.

La poterie est alors trempée dans de l'eau et frottée énergiquement avec un produit abrasif pour enlever les dépôts de carbone provoqués par l'enfumage. Les résultats varient selon que l'on joue avec le temps passé dans les flammes, la réduction de l'air, la célérité du trempage.

 

La surprise

Chacun essaie de reconnaître son objet : surprise de la forme, des éclats de couleur, certaines adoptions sont difficiles vu l'écart entre la pièce idéalisée et la réalité. Des rires fusent, des encouragements s'échangent, des émotions affleurent. Renouant avec la tradition, chacun emporte son objet, son bol pour le thé. Il y a plus d'affinités dans la production raku entre le potier et ses créations.

 

Alors, que dire de ces poteries abandonnées près du feu par des concepteurs qui, confrontés à l'attente de la cuisson, ont manqué l'alchimie des éléments : la terre, l'air, l'eau et le feu ? La cuisson raku est une expérience de l'humilité, de la surprise, de l'inattendu.

 

Jean-louis Deysson

décembre 2012