Une affaire de mémoire

La maitrise des nouvelles technologies nous aidera-t-elle à vieillir ensemble avec nos aînés ?

Dans les territoires confrontés au désert médical, à l'amenuisement des solidarités et à l'isolement des personnes âgées, le CIAS* du Pays d'Albret et le pôle Culture et Santé ont conduit une expérimentation dans le cadre de l'appel à Manifestation d'intérêt innovation sociale. C'est à une équipe d'architectes en logiciels libres de l'entreprise Huile de code que l'on doit le travail de conception d'une application visant à rendre accessible pour les personnes âgées, le portail Médialandes sur tablette numérique. Les bénéficiaires ont, entre autre, dans le domaine culturel, accès à une visite virtuelle de la Forêt d'art contemporain (Land Art).

 

En milieu naturel

La tablette est un outil de médiation entre les personnes et les professionnels, les familles, les proches pour correspondre, échanger des nouvelles. Si la personne ne peut plus se déplacer dans le monde, à la rencontre de l'autre, alors la tablette permet au monde, à l'art, à la culture de s'inviter chez elle. Les tablettes doivent être simples d'utilisation, disposer d'un grand écran et lisibles. Là où la mémoire antérograde peut faire défaut, le monde numérique vient collecter, conserver, classer immédiatement les événements du quotidien. Il supplée à ce dysfonctionnement en réhabilitant à tout moment sa réalité. Ce dispositif contribue à un maintien à domicile.

 

Le village Alzheimer

C'est une autre stratégie qui préside à la réalisation d'un village Alzheimer dans les Landes, près de Dax. Sur le modèle du village de Weesp au Pays-Bas, créé en 2009 et sous l'impulsion de Michel Laforcade, directeur de l'ARS, sera réalisé sur un espace de 5 ha un village de 16 maisons pouvant accueillir 120 résidents. Cet espace, volontairement clos pour sécuriser les personnes, sera aménagé sur un modèle d'habitat traditionnel.

En référence à la spécificité de la mémoire rétrograde qui privilégie le souvenir des événements anciens, le choix se porte pour une architecture qui rappelle les environnements d'origine (place centrale avec arcades en béton, bardage en pin des Landes). L'accent est mis sur la valorisation du rôle social du résident en l'invitant à organiser sa journée et à déambuler dans le village, en ayant accès à tous les services et activités. Le caractère innovant de ce dispositif repose sur la mobilisation des capacités cognitives du sujet dans une approche non-médicamenteuse.

 

Technologie

Capteurs de mouvement et températures relevées au domicile ou sur la personne, systèmes de monitoring à distance (télémédecine, télé suivi), le numérique optimise la fin de vie de chaque sujet. La mise en place de logiciels simples, d'agendas partagés, la coordination des différents acteurs (médecins, infirmiers, aides à domicile, aidants) améliore la qualité de vie surtout si elle mobilise le lien.

L'apport du numérique en gérontologie ne doit pas être seulement inscrit pour une optimisation de la surveillance médicale et son efficience. Il doit contribuer à l'amélioration de la qualité de vie : les gens ne veulent pas d'un Big Brother, ils veulent être simplement rassurés : domotique, déambulation etc, sans oublier l'aspect ludique de l'utilisation des tablettes numériques et des logiciels de jeux.

 

Jouer

Stimuler les personnes âgées est un gage de longévité. Dans les établissements, on peut utiliser les tablettes pour des ateliers collectifs, individuels, pour participer à l'animation, pour jouer, stimuler la mémoire, l'attention, la concentration et la curiosité. Il existe de nombreux jeux de mémoire adaptés à chaque niveau de dépendance en prenant soin de minimiser les situations de mise en échec. Les professionnels, les aidants peuvent aussi jouer en ligne avec les résidents et les accompagner tout en les soutenant.

L'un des risques du développement de ces nouvelles technologies, assimilé aujourd'hui à une forme de robotisation, peut faire craindre une déshumanisation des relations sociales, affectives, mais il vaut mieux faire le pari de le considérer comme un supplément d'aide à vieillir sereinement ensemble !

Jean-Louis Deysson

 

*CIAS : Centre intercommunal d'action sociale du Pays d'Albret