Expériences visuelles

L’artiste Miguel Chevalier, à la croisée des arts, des sciences et des techniques poursuit son exploration de la nature à travers le thème de la biologie marine. L’évolution de son art suit l’évolution des techniques.

 

Miguel Chevalier est un créateur, pionnier de l’art virtuel et numérique. Depuis 1978, il utilise l’informatique comme moyen d’expression dans le champ des arts plastiques. Et depuis, il n’a cessé d’inventer et d’utiliser les dernières découvertes.

 

Art et nouvelles techniques

Lors d’une conférence, il explique l’usage de plus en plus souvent de la vidéo, de la robotique et de l’intelligence artificielle. « J’utilise l’informatique dans l’art, comme au 20e siècle on utilisait la nouvelle expression, la photographie. Au 19e, c’était le pointillisme, ensuite le monochrome bleu d’Yves Klein, puis sont apparues les diapositives. Je vais associer photo, vidéo et peinture. Je commence par l’univers organique d’un palmier qui contraste avec le fer d’une serre. Au CNRS, j’utilise des outils pour numériser l’image, même principe que le pointillisme. Je modifie les strates de l’image au cours du temps, comme Claude Monet l’a fait pendant 30 ans avec les peintures des nymphéas. Mais je n’utilise pas le pop art répétitif comme Andy Warhol.

 

Premières créations

En 1980, à Belfort, première exposition. Une serre est construite sur le modèle du Grand Palais, j’y met de fausses plantes et fais une vidéo avec des images compressées, un peu comme le cubisme. Pour parler de notre monde, j’utilise l’univers binaire, comme si on voyait à l’intérieur d’un ordinateur ou pour montrer un virus qui s’y propage. En 1990, je dessine une fleur en 2D qui se transforme pour obtenir  une rose de synthèse. Dès l’arrivée des cartes graphiques avec les jeux vidéos, je fais une série de fleurs et plantes  regroupées en herbier, une banque de données. Des graines logiciels, poussent, s’animent et interagissent, ce qui crée des jardins virtuels comme en Corée, l’exposition  Ultra Nature. Cette œuvre évolue, toutes les minutes chaque écran se transforme. On peut même projeter ces jardins sur une façade courbe. »

 

Créer la surprise

Dans de nombreux lieux en France et à l’étranger, il adapte ses réalisations comme à Chaumont sur Loire. Dans le château, sous une coupole, sur le sol, un grand disque lumineux d’arborescences.

Dans le parc, un dôme est construit comme un scarabée, formé de triangles colorés et à l’intérieur, dans le noir, il y a des  projections, sorte de kaléidoscopes, accompagnées de musique générative. Cette œuvre se développe à l’infini. Une partie aléatoire crée ainsi la surprise. Il en est de même pour une commande d’un restaurant à Ibiza.

Dans les carrières des Baux de Provence, grands espaces de 150 m de long, l’artiste illumine le sol et les parois d’une même image mouvante. Les spectateurs semblent immergés dans les algues.

Livre Herbarius : sur la page écran de gauche apparait une fleur et sur la page écran de droite, des phrases provenant du générateur d’écriture, une façon actuelle de moderniser les anciens herbiers.

Œuvre permanente : c’est au forum des Halles à Paris qu’elle est installée. Comme ce doit être visible en plein jour, il a été nécessaire de placer des écrans avec des leds et d’éclairer en arrière- plan.

Digital Abysses : à Bordeaux, cette exposition, la plus importante réalisée par l’artiste, rassemble sur les 3 500  m2 de la Base sous-marine, 10 installations numériques configurées à l’échelle du lieu, accompagnée d’une composition musicale de Michel Redolfi. On peut voir aussi un cabinet de curiosités d’une centaine d’œuvres, sculptures, impressions 3D, caissons lumineux. De très nombreux curieux, de tous âges mais des jeunes en majorité, sont venus attirés par les œuvres numériques génératives et interactives, qui investissent les grands espaces, sur le sol, sur tous les murs et jusqu’aux moindres recoins, plongés dans le noir où seuls plancton, radiolaires ou gorgones sont luminescents.

Toutes ces œuvres admirées dans le monde entier, nécessitent deux ans de travail pour leur réalisation avec trois personnes, le créateur, Miguel Chevalier et deux informaticiens sans parler des techniciens qui l’adaptent aux lieux et en font la maintenance.

 

Pierrette Guillot