Le fil d'Ariane

Une fusée développée par la France, met en orbite Astérix, premier satellite français.

 

En 1966, les Bordelais qui visitaient la Foire de Bordeaux, alors sur la place des Quinconces, pouvaient découvrir une maquette de la fusée Diamant d’une vingtaine de mètres de haut qui, quelques mois plus tôt, avait placé sur orbite un modeste satellite de 40 kg. La présence de cette maquette annonçait symboliquement la place que le pays avait décidé de prendre dans la conquête spatiale. Rares étaient certainement ceux qui ont alors imaginé le téléphone portable, le GPS, les réseaux sociaux, la réception quasi instantanée d’images du bout du monde… que nous connaissons aujourd’hui.

 

En orbite

Vingt-six novembre 1965, à Hammaguir en Algérie, la fusée Diamant n°1 est sur son pas de tir. Au Poste de commande, Roger Courtot, un Bordelais, appuie sur le bouton et démarre ainsi la séquence automatique de mise à feu. Diamant décolle dans un nuage roux de vapeurs nitreuses. Huit minutes plus tard, le satellite A1, comme Armée n°1, surnommé Astérix par les journalistes, est en orbite. La France devient la troisième puissance spatiale après l’URSS et les USA.

 

Une organisation spécialisée

Cette fusée est l’une des conséquences d’une décision du général de Gaulle en 1959 : doter le pays d’une force nationale de dissuasion nucléaire, comprenant des avions et des missiles balistiques à longue portée, emportant une bombe « atomique ».

Une société dédiée au développement de ces missiles est créée en septembre 1959, la Société pour l’étude et la réalisation d’engins balistiques (SEREB). Elle comprend alors une cinquantaine de personnes choisies parmi les meilleurs spécialistes de l’aéronautique.

À la même époque, l’État et plusieurs sociétés industrielles installent un complexe autour de la Poudrerie nationale de Saint-Médard-en-Jalles. Il est principalement chargé de propulsion à propergol solide, de la constitution des missiles et de leurs essais au sol et en vol.

 

Mise en orbite

Hubert Gossot [1] raconte la genèse de la fusée Diamant : « Un lundi matin de décembre 1959, Bernard Dorléac, qui dirige les études avancées au sein de la SEREB, réunit son équipe d’une demi-douzaine d’ingénieurs, dont Charley Attali[2], futur chef du programme Diamant. Il nous annonce“  nous allons faire un lanceur de satellite”. […] Se pose la question fondamentale : “Mais comment met-on un satellite en orbite ?”. J’ai alors 27 ans, le plus jeune du groupe, et je suis chargé d’y répondre. Peu de temps après, je sors une note de calculs qui montre que la difficulté n’est pas tant d’atteindre la vitesse de satellisation d’au moins 28 000 km/h que d’assurer avec la plus grande précision possible l’orientation de cette vitesse dans l’espace. Le document définit le type de mise en orbite et les orbites elles-mêmes qu’il faut envisager. […]. Dès lors les ingénieurs vont travailler dur pour concevoir un lanceur de satellite français, en particulier ceux du complexe étatico-industriel  évoqué plus haut. »

 

Programme Ariane

Le programme Europa de lanceur de satellite développé par l’Europe à partir de 1962 est un échec. Il est arrêté en avril 1973. La France, forte du succès de son lanceur Diamant et des résultats très positifs obtenus pour le développement des missiles balistiques, propose un programme de remplacement crédible et réalisable, ce sera Ariane, outil de la conquête spatiale européenne.

Le 24 décembre 1979, le Centre spatial guyanais de Kourou en Guyane voit le premier essai en vol d’Ariane, premier d’une série de lanceurs de satellites du même nom.

S’exprimant en 2010, Charles Bigot, premier directeur des lanceurs au Centre national d’études spatiales, écrivait : « Ariane, qui a tant de “pères”, ne peut contester qu’elle est “fille de Diamant” et héritière de l’énorme travail réalisé à l’origine pour les programmes des missiles balistiques de la force de dissuasion nucléaire en France et notamment en Aquitaine. »

 

Roger Peuron

 



[1] Ingénieur, ancien élève de l’École de l’Air, il rejoint la SEREB quelques semaines après sa création où il intègre l’équipe de Bernard Dorléac. En 1964, il est affecté à l’échelon SEREB de Saint-Médard-en-Jalles où il est chargé du Service études générales et prospectives. Il devient ensuite, au sein de l’établissement aquitain d’AEROSPATIALE, chef du Département industrialisation du SSSBS–S3 puis du Département SSBS et MSBS. Il termine sa carrière comme adjoint au directeur.

[2] Quelques années plus tard il devient citoyen israélien et l’un des dirigeants de Israël Aircraft Industries.