La farandole des pas

Par Jean Malbot

 

Qu’on aille droit ou de côté, le nombre de vrais ou de faux pas que l’on fait dans une vie reste incalculable… 

 

À raison de 6 000 pas par jour, multipliés par un âge respectable (et un peu de chance), ça fait un paquet de kilomètres. De quoi aller à la boulangerie à pied jusqu'à la retraite… et revenir. Il y a les pas de côté, les pas de deux, les petits pas, les grands pas, les pas de loup et bien sûr, les faux pas. Tous ne se valent pas

Mention spéciale à ceux qui font le premier pas et regrettent parfois de ne pas avoir fait demi-tour.

 

À l'origine

Commençons par le début : le premier pas de côté, à vrai dire le premier faux pas a été commis par Adam au jardin d'Éden. Cédant, malgré sa réticence (car il avait bon fond) à la pression séductrice d'Ève, il est allé cueillir le fruit défendu et le lui a offert.

Nous payons encore aujourd'hui les conséquences de cet acte inconsidéré. Ève peut être vue comme la première influenceuse. Bien plus tard, les premiers pas d'un homme sur la lune ont permis à Neil Amstrong de déclarer : « Un petit pas pour l'homme, un grand pas pour l'humanité ».

Il y a des pas de côté déconseillés, voire punis. Pour ceux d'entre nous qui ont connu la gloire militaire et la rutilance des uniformes, souvenons-nous des marches au pas cadencé qui nous apprenaient la discipline et nous préparaient... peut-être à l'obéissance conjugale. 

 

Les premiers pas qui coûtent

Demandez à Henri-Désiré Landru ou au bon docteur Petiot dont les exploits sont bien documentés. Le premier a débuté sa carrière durant la première guerre mondiale et a vite compris qu'il pouvait apporter un peu de chaleur humaine, de bienveillance, de bonheur aux dames esseulées par la grande guerre. Il leur a offert un foyer chaleureux.

Le second, dans la période troublée que nous traversions, apportait de l'espoir aux familles désirant passer en zone libre pendant la seconde guerre mondiale, il les libérait de leurs angoisses et de leurs économies.

Les rêves n'ont pas de prix.

Plus légèrement les pas de côté en matière conjugale, les « accros au contrat de mariage », ont inspiré d'innombrables vaudevilles, très à la mode au siècle dernier, où se sont illustrés les Courteline, Feydeau, Labiche, Guitry… Les ressorts de l'intrigue étaient toujours les mêmes : infortunes croisées de couples et les imbroglios. Pour paraphraser Jules Romain qui fait dire à Knock, « Tout bien portant est un malade qui s'ignore », on peut dire « Tout trompeur est un trompé qui s'ignore ».

 

Erreurs bénéfiques

Venons-en aux nombreuses sérendipités dont l'importance a été capitale et qui, au départ, étaient de simples pas de côté ou liés au hasard.

Isaac Newton, à la fin du XIXe siècle, aurait conçu la théorie de la gravitation en voyant tomber une pomme de l'arbre sous lequel il se trouvait. L’épisode est apocryphe mais montre les liens qui existent entre la pomme et l'homme. D'autre part, le pas de côté, le hasard, voire l'erreur peuvent être tout aussi productifs que le travail acharné, ce qui est rassurant et laisse beaucoup d'espoir.

Il en est de même d'Archimède pour sa poussée dont il aurait eu conscience dans sa baignoire.

Pareillement, Christophe Colomb, quand il a abordé la côte de l’île de San-Salvador, ne savait pas où il était, ni où il allait. Et il naviguait au frais de la princesse.

On a pu dire beaucoup plus tard qu'il était un modèle pour les hommes politiques. Mais il a fait une extraordinaire découverte.

Celle de la pénicilline en 1928 est un autre exemple de découverte fortuite. Fleming avait mis en culture des colonies de staphylocoques qui, par mégarde, ont été mises en présence de cultures de moisissures (penicillium notatum). Ces moisissures ont inhibé la croissance des staphylocoques : l’ère des antibiotiques était née.

Enfin « last but not least » le viagra ; les laboratoires Pfizer au début des années 1990 cherchaient à mettre au point un vasodilatateur coronaire. Les résultats sur les coronaires furent modestes. En revanche, les effets secondaires sur un organe plus bas situé furent spectaculaires

Alléluia !

De nombreuses découvertes l'ont été par hasard ce qui ne doit pas dispenser d'une recherche rigoureuse. Descartes avait dit : « Le meilleur chemin est la ligne droite » mais Michel Serre dit : « Connaissez-vous une invention qui ne soit pas un pas de côté ? » et « Je pense, donc je bifurque ».