Des grosses légumes... aux petits pois

Jean-Pierre Miffurc, en 2005, attaché de presse du Festival du film historique de Pessac, en compagnie de Françoise Alonso, Commissaire Générale

Jean-Pierre Miffurc sur le stand bio de la maraichère Anna Simmons
Par Dominique Galopin
Ancien directeur de communication de la région Nouvelle-Aquitaine, Jean-Pierre Miffurc fait aujourd’hui les marchés. Pour un homme aussi libre dans sa tête, peut-on parler de grand pas de côté ?
Coiffé de son immanquable bonnet en laine, Jean-Pierre Miffurc ne craint pas le froid. Le soleil est à peine levé mais le ballet des cageots s’amorce déjà car les légumes n’attendent pas, les clients non plus. Fidèle à son poste, chaque mercredi matin, sur le stand bio de la maraîchère Anna, barrière de Bègles, il assure le réapprovisionnement continu des produits, mais pas seulement. En vrai communicant, Jean-Pierre accoste les habitués d’un salut chaleureux, partage avec eux le secret des recettes, « on ne se refait pas ! » lance-t-il.
Le cliché, pas pour lui
Il est où l’homme de presse, de com, dit-on plus volontiers aujourd'hui, habitué à travailler douze heures par jour dans les bureaux aussi vastes qu’austères que ceux de l’étage du Président du Conseil régional, planté au cœur de Mériadeck. Courant de réunions marathons en cocktails interminables, assistant au Festival de Cannes avec sa carte VIP…, a-t-il tant changé ?
Le cliché, ce n’est pas pour lui. Si tout le staff au Conseil régional portait un costume cravate, pas lui. Déjà il ne rentrait pas dans les codes. « Je viens comme je suis » prévenait-il. C’est juste que Jean-Pierre est un peu farouche, un peu atypique mais toujours en ligne avec ses valeurs et sa personnalité.
Pas de plan de carrière. Il reconnaît n’avoir, jamais de sa vie, postulé en particulier pour un poste, fût-il politique ou pas. Tout a démarré par une litanie de sa grand-mère, habitant Casteljaloux, se plaignant de ne pas le voir assez souvent. Il se trouve que le timing est favorable, Jean-Pierre vient de terminer sa licence d’anglais, il a 25 ans, pas de projet en tête, bonjour Mamie. Sans l’avoir vraiment cherché, il se retrouve directeur du complexe touristique du lac de Clarens, à la tête d’une soixantaine de personnes. D’une année à l’autre l’expérience continue mais la lassitude s’installe et le jeune homme, passé en couple, remonte à Bordeaux. À la terrasse d’un café, place de la Victoire, il se fait alors alpaguer par un bon copain qui lui conseille d’accepter la mission de responsable de salle de presse pour le festival du cinéma historique de Pessac. Une magnifique aventure qui dure pendant plus de dix ans et l’emmène vers le poste d’attaché de presse.
À cette époque, le maire de Pessac, hôte de ce festival, n’est autre qu’Alain Rousset. Lorsqu’il devient président de région, il appelle Jean-Pierre pour en faire son attaché de presse, puis, à la faveur des changements, son chef de cabinet. Il s’éloigne pendant un an puis revient directeur de communication, représentant la Région sur tous les salons, celui de l’agriculture ou du Bourget pour mettre en valeur les compétences aéronautiques de la Gironde.
Du sens à ma vie
La politique a ses humeurs, ses craintes, sa stratégie. Alors il quitte la Région pour accepter le challenge proposé par l’ancien vice-président, Jo Labazée qui ambitionne de briguer le Conseil général des Pyrénées-Atlantiques, géré par la droite depuis cent ans. Et le tourbillon infernal est reparti. De fil en aiguille, les élections suivantes sont perdues pour le conseiller, alors Jean-Pierre revient à la case départ de Bordeaux. Là, à ce moment, il sombre. Pas de sonnerie, pas de nouvelles, seul, sans tous ces amis qui aimaient tant l’inviter à dîner avec la petite demande de coup de pouce au dessert, plus personne.
Alain Rousset, contacté, ne peut guère l’aider. C’est la période du regroupement des régions, il y a plus d’écartés que de nommés. « Il m’a tendu la main, mais la branche est cassée », dit-il. Il s'ensuit une mission temporaire auprès de la MECA en construction. Puis rien. Il ne s’épargne pas les indispensables questions : « Comment puis-je donner du sens à ma vie. Que puis-je bien faire, moi qui ai toujours été dans l’écoute, l’empathie, la résolution de problèmes, dans l’assistance administrative ? » La voie naturelle est alors celle de l’associatif et particulièrement les Graines de solidarité qui lui confient les maraudes du mercredi soir dans le quartier de la gare. « Car ce n’est pas parce qu’on vit dans la rue qu’on n’a pas le droit à une soupe bien chaude », pense-t-il.
En amateur du bien manger, Jean-Pierre a développé un potager sur son toit. Si vous lui demandez son choix de cultures, il ne sait pas. Pas de plan de culture non plus. « Je jette mon compost et j’attends de voir ce qui va y pousser, au hasard des courges, des tomates, des courgettes… ». Toute récolte sera accueillie, cuisinée avec goût et surtout partagée avec générosité « car ma passion ce n’est pas le foot, pas le golf, mais c’est l’autre ».