Les gardiens du littoral
Sur la côte Aquitaine, dunes et forêts permettent de freiner le recul du trait de côte. Les fonctionnaires de l’ONF sont en première ligne dans cette bataille
Propos recueillis par Pierrette Guillot

Le sable est fixé par des oyats pour ralentir le recul du trait de côte. photo de Benjamin Syren
En Gironde, dans le cadre de la gestion durable et multifonctionnelle des forêts publiques, l’Office national des forêts (ONF) a pour mission de produire du bois, de protéger particulièrement la forêt dunaire et le cordon dunaire, de préserver l’environnement et d’accueillir et de sensibiliser le public. L’ONF effectue aussi des missions de police de l’environnement et de la chasse, surveille les massifs forestiers pour prévenir les incendies et sensibilise le public face à ce risque majeur.
Benjamin Syren, technicien forestier littoral de l’unité territoriale Bassin sud Médoc, reçoit l’Observatoire.
Benjamin Syren, technicien forestier, la voiture de fonction et la maison forestière où se trouvent les bureaux, photo D. Sherwin-White
— L’observatoire : Quelles sont vos missions ?
— Benjamin Syren : Il faut savoir que nous sommes des fonctionnaires, des policiers forestiers armés car nous devons faire respecter des règles. Pour l’Observatoire de la côte Nouvelle Aquitaine (OCNA), on doit surveiller la plage et le cordon dunaire, 30 kilomètres de part et d’autre de Lacanau Océan. Il faut analyser le littoral et son évolution, en parcourant toutes les plages du Porge jusqu’à Carcans. Mais le réseau de l’OCNA réalise un suivi de l’ensemble du littoral de Nouvelle Aquitaine, soit plusieurs centaines de kilomètres de côte. Mais, il y a des parcelles qui appartiennent aux mairies ou à des particuliers sur lesquelles on n’intervient pas. Les forêts domaniales sont principalement concentrées sur le littoral en forêts dunaires.
— Quelles sont les actions nécessaires pour éviter le retrait de la côte sableuse ?
— À Lacanau, on utilise des enrochements mais dans les zones domaniales où il y a moins d’enjeu d’urbanisme, on pratique une gestion douce pour accompagner les phénomènes naturels. On fixe ainsi le sable avec des plantes, principalement des oyats et des filets brise-vent pour maintenir un cordon bordier tout en absorbant les phénomènes d’érosion marine.
Les surfaces plantées sur la dune, sont peu étendues mais ciblées par rapport à ces grands espaces de plusieurs milliers d’hectares et le nombre de végétaux utilisés est réduit.
Sous l’action du vent, des courants et de la houle, le sable se déplace. En hiver la plage va se rabaisser et des érosions marines sont possibles ; en été avec les petites houles, des apports de sables naturels vont relever le niveau de sable des plages et permettre une certaine cicatrisation de la dune. C’est un milieu très mobile et très résiliant. Le recul global du trait de côte est observé sur une moyenne effectuée sur plusieurs dizaines d’années. Lorsque la dune devient très haute et très abrupte, on fait en sorte qu’elle ait une forme plus arrondie et offre moins de prise au vent.
— Comment vous déplacez-vous pour surveiller ces grands espaces ?
— La forêt domaniale de Lacanau représente 5 000 hectares. Nous sommes dotés de véhicules tout-terrain légers qui nous permettent de rouler aisément sur le sable. Bien sûr nous marchons beaucoup et nous avons également des vélos électriques, eux-aussi tout-terrain, pour le suivi des plages et les opérations de police de l’environnement. Lorsqu’il y a avis de tempête, même faible, les techniciens littoraux de l’ONF restent en alerte et effectuent rapidement des expertises et des relevés afin d’informer l’état et les collectivités sur l’ampleur et les éventuelles conséquences du phénomène. Certains d’entre nous sont logés en maisons forestières, au plus proche du terrain qui nécessite une surveillance permanente et des interventions rapides.
— Derrière les dunes, on observe des arbres déchiquetés.
— C'est une zone de forêt protection qui maintient la dune et lui permet de ne pas trop reculer.
On n’y fait pas d’exploitation de bois. Si des arbres meurent à cause des embruns, du vent, on ne les coupe que s’ils sont dangereux pour les promeneurs. Au parking du Lion, par exemple, il y a plusieurs milliers de promeneurs et vacanciers.
C’est également un milieu naturel très riche en termes de biodiversité, avec un statut de protection au niveau national et européen. Certaines espèces rares y vivent comme le lézard ocellé et le linéaire à feuille de thym. On doit suivre les populations d'oiseaux limicoles.
— Comment sont réalisées les coupes dans les parcelles exploitables ?
— Le programme des coupes s’effectue selon l’âge des arbres. On ne coupe que la surface d’équilibre, qui correspond à l’accroissement annuel de l’ensemble du massif.
On régénère par ensemencement naturel grâce aux graines des pignes de pins qui s’enracinent et donnent de jeunes arbres. S’ils sont trop nombreux, on les coupe pour laisser pousser les plus vigoureux. Certains semis sont mangés par des biches. Nous ne coupons pas un arbre s’il est un perchoir à rapace protégé ou s’il présente un intérêt particulier d’habitat écologique.
— Comment accueillez vous le public ?
— L’accueil, c’est tout au long de l’année mais particulièrement en période estivale. C’est une partie très importante de nos missions.
Nous réalisons des animations nature dans les forêts littorales très fréquentées : courses d’orientation, pistes cyclables, chasses en forêt domaniale, circuits équestres, des chemins de promenade. Les accès aux plages se font en limitant le piétinement de la dune avec des sentiers bordés de ganivelles (barrières en lattes de châtaignier)
La sécurité aussi est importante. On effectue des broyages ciblés de végétation afin de limiter le risque d’incendie dans les zones de concentration d’accueil.
En collaboration avec la Gendarmerie, la Préfecture et les services de déminage, nous surveillons l’état de la voierie mais aussi les blockhaus où parfois sortent d’anciens obus.
Enfin, une exposition itinérante sur la côte Aquitaine est organisée par l’ONF : Dunes et forêts, les gardiennes du littoral pour faire connaître nos missions aux promeneurs et aux vacanciers.

L'érosion éolienne est maitrisée par des brise-vent et des barrières pour que la dune garde une forme arrondie. photo de Benjamin Syren