Laisse béton

Les micro forêts urbaines ont des rêves d’enfant : devenir grandes, vivre longtemps et tempérer la chaleur de la ville en été.
Didier Jeanjean, adjoint au maire de Bordeaux, explique que l’on combat les îlots de chaleur, ces zones marquées par une hausse localisée des températures maximales diurne et nocturne, en « renaturant la cité ». Les micro forêts sont une des solutions imaginées à cette fin. Elles permettent également d’embellir et de colorer l’environnement urbain, s’intègrent dans des corridors écologiques, des trames qui apportent de la fraicheur. La trame bleue c’est l’eau qui coule ; la brune, la terre qui refait surface en brisant le bitume ; la verte a la couleur de la nature : arbres et feuillages ; enfin la noire intéresse les animaux noctambules résolus à se réapproprier l’espace quand, à la nuit tombée, les humains se replient chez eux.
« On plante aujourd’hui des micro forêts qui atteindront leur dimension réelle dans plusieurs années. L’objectif n’est pas de planter toujours plus, mais de placer le bon arbre au bon endroit, dans un environnement favorable, un sol irrigué et nourricier. Les arbres sont jeunes, pas chers » précise M. Jeanjean. Plantés très resserrés, les végétaux vont grandir, de manière accélérée pour aller chercher la lumière et atteindre leur taille normale. Une forêt est autonome, on ne l’entretient pas, le sol reste humide, la biodiversité est favorisée. Et la ville reprend des couleurs.
Partons en promenade
Entre la gare Saint-Jean et le Sacré-Cœur, Billaudel est la plus petite des plus minuscules principautés vertes : 180 m² ; et, comme il se doit, elle est surpeuplée de chênes, d’érables, d’arbustes et d’autres plantes vivaces. On prétend qu’il y eut ici un parking ! Disparu, envolé ! Tout est bon contre le béton au beau milieu de la circulation.
Allées Boutaut, près des Aubiers, elle est étrange cette forêt. Pressés et indifférents, on peut circuler sans la voir. Mais elle est bien enracinée sur son terre-plein, parcourue par deux micro-sentiers divisée en trois bouquets d’arbres, nourris à grande goulée d’eau du ciel, à grande lampée de rayons de soleil.
L’ambiance est très différente à La Grenouillère dans le quartier du Grand Parc. C’est un lieu de vie, un îlot de quiétude. Ici, on aime les oiseaux et on leur a planté une forêt refuge et garde-manger. Il y a aussi ces humains qui piquent niquent et laissent tomber des miettes. D’un coup d’aile, on quitte les branchages, deux ou trois coups de bec et retour au feuillage. Cachés dans la verdure, les volatiles guettent deux adolescents, ils sont entrés dans l’espace de jeux qui leur est pourtant interdit. Murmures à peine audibles et regards intenses. Sont-ils retombés en enfance ?
Le parc Bühler, à l’orée du quartier Ginko, offre un plus grand espace à sa micro forêt et aux riverains. Des galopins galopants et rigolants, un chiot bondissant et une balle rebondissante qui disparaît dans un taillis. « On n’a pas le droit d’y aller » dit un gamin. Le chiot en ressort avec la balle dans la gueule. Et la galopade repart. Les gamins et la micro forêt ont presque le même âge. Elle va s’épanouir et les enfants vont grandir. Dans dix ans, ce sera un vrai bois.
Alors promenons-nous par la pensée dans ce bois. C’est le domaine du végétal. Le minéral y a ses droits, l’insecte y est chez lui, l’oiseau et le petit mammifère cohabitent. Promenons-nous comme cet enfant du poème de W. Whitman qui, chaque matin, sortait et devenait chaque être qu’il croisait, chaque fleur, chaque arbre qu’il rencontrait.
Marc Chantre

Micro forêt Wangari Muta Maathai (placette Billaudel