La nature sauvegardée

La ville de Lormont a transformé une friche industrielle en petite forêt.
Sur les collines coiffées de verdure, rive droite, s'étend une forêt allant de Bassens à Floirac en passant par Lormont et Cenon. Ses dimensions sont assez modestes, environ sept kilomètres de long sur un de large au maximum mais elle domine l'agglomération bordelaise. Nous sommes loin de « l'enfer vert » mais elle fait un écran vis-à-vis de la ville.
Cette forêt recèle en son sein, on pourrait presque dire qu’elle enchâsse le parc de l'Ermitage Sainte-Catherine.
Il y a là une oasis de verdure, de nature prise sur l'océan urbain dont les vagues sont pour l'instant maitrisées, mais pour combien de temps ?
Exploitation du calcaire
Au lieu-dit Rouffiac, très proche du vieux Lormont actuel, sur les coteaux de la Garonne, des traces de peuplement ont été retrouvées, remontant à l'époque gallo-romaine : fragments de vaisselles, poteries, monnaies...
Il semble que l'endroit ait été occupé sans discontinuité depuis cette époque. Au XVe et XVIe siècle, il y eut même un ermitage, d'où le nom actuel de l'endroit, qui a laissé des ruines assez importantes dans la partie ouest de ce parc.
Puis, du XVIe au XVIIIe siècle, des bateaux partaient du port de Bordeaux, transportaient, entre autres denrées, le fameux Clairet ou Claret, à destination de l'Angleterre (la consommation semblait déjà importante !), et s’arrêtaient à Lormont. Pourquoi ?
Ils y faisaient provision d'eau potable car il y avait là des sources d'eau pure alors qu'à Bordeaux, le système d'assainissement était à peine balbutiant et le contenu des pots de chambre avait tendance à s'infiltrer dans la terre et à enrichir l'eau des puits. Explication apocryphe mais plausible.
Beaucoup plus proche de nous, entre 1930 et 1980, une cimenterie, propriété de MM. Polliet et Chausson, utilisait le calcaire de la falaise. Trois châteaux en ont fait les frais : L'Ermitage ou L'Hermitage, l'un et l'autre se disaient à l'époque, Raoul et Bellevue. Cette exploitation a laissé un énorme trou, devenu friche dans laquelle il a été envisagé de créer une grande décharge. Elle n'a pas été réalisée devant la vigoureuse opposition des riverains et de la SNCF dont la ligne Bordeaux Paris jouxte le terrain.
Vue féérique
Le bois actuel est situé sur la commune de Lormont, séparé de la Garonne par une rangée de maisons, une voie de chemin de fer et un talus escarpé. Masquant les bâtisses et atténuant considérablement les bruits de la circulation, cette mini-forêt donne l'impression d'être là depuis toujours.
Le fleuve n'est visible que de la partie haute du site. La superficie de ce bois est modeste, environ trente hectares et son point culminant est de soixante quatre mètres. En effet, une de ses caractéristiques est d'être implanté sur un terrain tout en verticalité dans l'espace créé par la carrière.
Tout cela en fait un site unique sur l'agglomération bordelaise. Un belvédère a été installé au point culminant de la zone d'où on a une belle vue sur Bordeaux et la Garonne au niveau du pont Chaban-Delmas. Le passage de vieux gréements sous la travée relevée est un très beau spectacle qui devient quasi féerique pour peu qu'une brume légère recouvre le fleuve.
La mairie de Lormont est propriétaire des lieux et a procédé à leur aménagement. La gestion est assurée par Bordeaux Métropole.
Ballets de papillons
La flore est riche, variée et constituée de lauriers, endémiques sur ces collines, d'où la référence à cet arbuste dans plusieurs endroits de la ville. On observe également des bouleaux, des peupliers, des chênes, des frênes et quelques ormeaux, rescapés de la graphiose1.
On imagine que les bosquets sont propres à abriter les amours débutantes (ou pas !).
De nombreuses fleurs très parfumées, dont les orchidées sauvages et les buddleias, attirent des ballets de papillons.
Nous pouvons croiser des canards qui ne parlent pas anglais comme ceux du jardin extraordinaire de Charles Trenet, des poules d'eau, des lapins, des hérons et des ragondins. On y a même vu un sanglier et quelques chevreuils.
Mais le joyau de cette forêt est incontestablement le petit lac qui se niche en son milieu. Sa couleur vert émeraude et les bouleaux qui le cernent évoquent la forêt canadienne pour peu qu'on fasse abstraction du bourdonnement, à vrai dire peu audible, de la ville proche.
La pêche et la baignade y sont interdites, seuls les poissons rouges et les carpes ont le droit de s'y ébattre. Un refuge périurbain, comme on en trouve dans plusieurs communes de la métropole, se trouve à l'une de ses extrémités. On peut y passer une nuit gratuitement mais il faut faire la réservation bien longtemps en avance. Le confort y est assez spartiate mais cela n'est pas dissuasif.
Des chemins aménagés, raccordés au réseau allant de Bassens à Floirac, permettent la promenade, la marche rapide, le jogging rendu difficile par le terrain escarpé. Mais on peut aussi simplement contempler le lieu, pratiquer la méditation ou la sylvothérapie.
Au total l'aménagement de cette friche industrielle, fort laide au départ, en un parc remarquable est une belle réussite. En espérant qu'il sera pérenne.
1la graphiose est une maladie cryptogamique de l'orme souvent létale.
Encadré
L’association Les amis du vieux Lormont est présidée par Igor Pavlata, un vrai puits de science, concernant le Parc de l'Ermitage. Son siège est situé 1 rue de la République à Lormont, en haut du vieux bourg. On y trouve un accueil sympathique et un petit musée retraçant l'histoire de ce quartier.