Des étangs et des chênes

Aujourd'hui, la forêt de la Double est composée principalement de pins et de chênes
Au cœur de la campagne périgourdine, une forêt qui existe depuis le VIIe siècle perdure aujourd'hui encore et reste bien vivante, c'est la forêt de la Double.
texte et photos de Nicole Landré
En Dordogne, dans le Périgord blanc, proche de Montpon-Ménesterol, majoritairement située sur la commune d'Échourgnac, la forêt de la Double s'étire en un vaste massif forestier composé de petites collines et de vallons, ponctués par de nombreux étangs. Philippe Rallion, vice-président de la Ferme du Parcot, située au cœur du domaine, explique : « Elle est d'abord connue sous le nom de Sylva edobola ( edo = manger, bola = borne, limite), c'est à dire la forêt mange borne car elle s'étend sur plusieurs départements, du sud de la Dordogne et de la Charente jusqu'au nord de la Gironde, elle servait de forêt frontière ». C'est donc elle qui a donné son nom à la région.
Les charbonnières
Sur une superficie de 40 000 hectares, elle se composait majoritairement de chênes car le sol est argileux. « Au cours des ans, ajoute Philippe Rallion, elle a été surexploitée, en particulier par la Marine Royale de Rochefort mais elle servait aussi à la fabrication du charbon de bois dans les charbonnières ». Les maîtres-verriers utilisaient également le bois de cette forêt en grande quantité pour alimenter leurs fours ; ils étaient itinérants et vivaient dans des maisons en torchis qu'ils démontaient au gré de leurs déplacements. À la fin du XVIIIe siècle, la forêt évolue et la déforestation laisse place à de vastes espaces incultes. Du fait des sols argileux, les eaux des mares et des étangs stagnent alors.

LucieGuichard, la médiatrice culturelle, Philippe Rallion, le vice-président et le chat Barco, la mascotte de la Ferme du Parcot
Un comice agricole
Dans son livre L'Ennemi de la mort, Eugène Le Roy décrit bien cet univers hostile porteur de maladies où le bon docteur Charbonnière essaie de lutter contre l'obscurantisme et d'imposer ses idées pour lutter contre « les fièvres » ainsi que l'on appelait le paludisme à l'époque. Il n'a pas vraiment réussi mais des années plus tard, les marais et étangs sont asséchés. Cela coïncide avec l'arrivée des moines trappistes en 1868 à Échourgnac. Venus de la région de la Dombes où ils ont contribué à drainer les étangs, ils assainirent la Double. « Cette époque, indique Philippe Rallion, voit la création d'un Comice agricole qui donne des prix pour récompenser les bonnes pratiques et la suppression des étangs proches des maisons ».
Une forêt préservée
La région est alors reboisée avec des pins maritimes. On essaie aussi d'implanter des eucalyptus mais ils ne supportent pas les températures hivernales qui peuvent atteindre moins 10°. De nouvelles essences sont plantées telles que le chêne américain ou le charme encore utilisé dans les charbonnières. Des frênes, quelques châtaigniers, des fougères et de la bruyère complètent la végétation. La forêt continue à croître et le pourcentage entre les pins maritimes et les chênes, plus implantés dans des zones isolées, est sensiblement le même. Grace à cette forêt préservée, la flore et la faune sont très riches, les étangs sont poissonneux et il y a de nombreux oiseaux dont des migrateurs. On y protège aussi la tortue cistude.
La Double est aussi une forêt de loisirs et des chemins de randonnée attendent les visiteurs, comme celui qui part de la Ferme du Parcot jusqu'à l'étang de la Jemaye dont l'espace naturel de 35 hectares offre de nombreuses activités. On peut s'y baigner, il y a aussi un parcours santé, des sentiers balisés et un observatoire ornithologique.
Une donation
Au cœur de la Double, la Ferme du Parcot, également située sur la commune d'Échourgnac, est plus connue pour son abbaye et son fromage de la Trappe. Lucie Guichard y occupe le poste de médiatrice culturelle et de guide animatrice. « Sa création, explique-t-elle remonte à 1841 comme l'indique l'inscription sur le linteau de la porte de la grange. Après maintes péripéties, le dernier propriétaire fait une donation des 46 hectares du domaine « afin que l'on sache comment vivaient les gens à cette époque ». L'association La Double en Périgord voit le jour en 1988 et la Ferme du Parcot s'ouvre au public en 1992 ; elle est alors encore en ruines mais Lucie Guichard ajoute : « Les visiteurs montrent tout de suite un vif intérêt ». Depuis 2004, c'est la propriété du Département.
Le balet
La médiatrice précise que « le but de l'association est de sauvegarder l'architecture de la maison doubleaude. Cet habitat est intimement lié à la forêt proche. La maison-type est construite en matériaux locaux, bois, pierre et torchis, un mélange de terre maçonnée et de paille. Elle est bien protégée par une galerie ouverte, le balet, qui permet d'isoler l'architecture de la maison côté ouest et sert de préau et de véranda. Côté nord, la remise assure la même protection ». À l'intérieur, les plus anciennes comprenaient deux pièces autour d'une cheminée centrale. L'artiste local Lilian Longaud, céramiste de la Double a popularisé cet habitat en réalisant de petites maisons en terre cuite, mettant en lumière l'âme du terroir.
Cette forêt emblématique de la région a tous les atouts pour intéresser les amoureux de la nature, de l'architecture ou de la randonnée entre chênes et pins.
Par Nicole Landré
Encadré
Tout au long de l'année, la Ferme du Parcot propose de nombreuses activités pour les petits et les grands. Programmation du premier trimestre 2025 :
- En janvier, un week-end convivial avec les journées énoisage, dans la plus pure tradition périgourdine : on casse les noix, on les décortique puis un tri est effectué car plus tard, les cerneaux seront broyés au moulin pour faire de l'huile de noix.
- En février, un atelier Boules de graisse pour les oiseaux.
- En mars, le programme est riche et varié : stages de vannerie pour apprendre à confectionner le panier doubleaud en châtaignier ou le panier traditionnel périgourdin le bouyricou, en tressage d'osier. La manifestation Le printemps se raconte se déclinera par un après-midi goûter au cours duquel on pourra cuire et déguster des gaufres dans l'âtre en écoutant des contes ; une exposition de photos La nature sort de son cadre ; La nuit de la chouette, présentation en salle pour reconnaître les différentes espèces, suivie d'une balade nocturne pour écouter ces maîtres de la nuit.
