Cap sur 2100
Le domaine de recherche de Cestas Pierroton se projette aujourd’hui sur la forêt de demain.
Par François Bergougnoux
Photos de D.Sherwin-White

Vue aérienne du domaine de recherche sur la forêt de Cestas Pierroton ( photo INRAE)

Christophe Plomion, directeur de recherche à l'INRAE
À trois kilomètres de Cestas sur la route d’Arcachon, on découvre le domaine forêt-bois de l’Institut national de recherche pour l’agriculture et l’alimentation (INRAE) de Pierroton. Tout y est testé et analysé depuis de nombreuses années pour adapter la forêt aux conditions climatiques difficiles attendues pour la fin du siècle.
Christophe Plomion, directeur de recherche, au sein de l’unité de Biodiversité Gênes et Communautés présente avec passion les travaux engagés1 pour préparer ce futur inquiétant et leurs résultats encourageants.
Sélection génétique
Aujourd’hui, les spécialistes du climat prévoient, pour 2100, une augmentation de quatre degrés par rapport à l’ère préindustrielle. Avec ces perspectives, pour l’INRAE, le cap est résolument fixé sur cet horizon pour que les futures forêts soient adaptées à ces conditions.
Qu’en est-il particulièrement de celle de la Nouvelle Aquitaine ? « Aujourd’hui, elle est relativement résiliente, précise Christophe Plomion, et fonctionne encore correctement comme puits de carbone. Cela est moins vrai pour d’autres régions, comme l’est de la France, dont la forêt est très dégradée, où ont été installées des plantations importantes d’épicéas, hors de leur niche écologique. »
Pour préparer la forêt du futur, l’INRAE s’appuie d’abord sur la sélection génétique. Les travaux sur Pierroton ont été conduits, depuis 1930, par l’Office des eaux et forêts puis, à compter de 1964, par l’INRA. Ils associent de nombreux partenaires. « Cela concerne notamment l’Université précise notre interlocuteur. Les organismes de recherche de nombreux pays sont également impliqués, en particulier ceux situés au sud de notre latitude, qui disposent de ressources génétiques intéressantes avec des espèces plus adaptées à un climat chaud et sec.»
Plusieurs spécialistes interviennent dans les processus de recherche : généticiens, entomologistes, pathologistes, spécialistes de l’architecture de l’arbre…
Arbres remarquables
La grande diversité génétique des arbres, (dix fois plus importante que celle de l’homme) est un atout considérable pour repérer des populations mieux adaptées, de pins et de chênes par exemple. Il est également important d’introduire des essences déjà acclimatées aux conditions climatiques méditerranéennes.
Dans le cas du pin maritime, un long processus de sélection a été entrepris depuis soixante ans. Il s'est d’abord concrétisé par la localisation d’arbres remarquables. Ils ont été retenus sur des critères de qualité du bois, de vigueur, de meilleure résistance aux maladies et ravageurs, à la sécheresse…
Les chercheurs les ont ensuite croisés entre eux, puis ont réalisé un tri en retenant les descendants les plus prometteurs. De nombreuses étapes de croisement et de sélection ont permis de renouveler la forêt avec du matériel végétal plus adapté aux nouvelles conditions environnementales.
Différentes origines de pins maritimes en pépinière. Plantation de pins maritimes, entourée de bouleaux(forêt mixte)
Association d’espèces
Avec des températures élevées et de la sécheresse, les forêts subissent un stress accru qui les rend plus sensibles aux agresseurs. C’est le cas pour les pins maritimes, attaqués par le scolyte, insecte qui se nourrit de la couche tendre des arbres sous l’écorce en entrainant leur dépérissement rapide.
Les études et observations menées sur des associations d’espèces d’arbres ont montré notamment que la présence conjointe de pins maritimes et de bouleaux diminuait sensiblement la vitesse d’infestation par les bio-agresseurs comme la chenille processionnaire. En les positionnant en périphérie, on crée un bocage forestier qui constitue un véritable obstacle physique et olfactif aux ravageurs. Dès à présent, des plantations récentes de ce type sont réalisées sur de grandes surfaces.
Autre cas, des nouvelles forêts mixtes résineux/feuillus associant différentes espèces de chênes, entrainent un renforcement de leur résilience. Enfin, cette association d’espèces contribue à ralentir les incendies.
Pour l’an 2100, peut-on raisonnablement espéré disposer d’un couvert forestier en Nouvelle Aquitaine, avec une photo-synthèse active, assurant son rôle de puits de carbone ? Pour Christophe Plomion, « c’est possible, à condition de faire son deuil de la forêt actuelle, en favorisant ou en créant une nouvelle de type méditerranéen, intégrant des ressources génétiques plus méridionales et des pratiques de gestion sylvicoles plus adaptées aux conditions climatiques attendues. »
https://nph.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/nph.16476
1 Fresque de l’historique des recherches engagées, présentée aux visiteurs (journée portes ouvertes).
(En encadré dans le texte)
INRAE Pierroton
Surface : 450 ha
Personnel : 120 personnes dont 40 chercheurs,
40 techniciens et 40 étudiants et doctorants.
Trois plateformes technologiques : génome, propriété du bois et quantification de la biomasse
2e encadré
Christophe Plomion se destinait à la musique avant d’accéder à l’école d’ingénieur agronome de Rennes. Recruté à sa sortie en 1992 par l’INRA sur le site de recherche de Pierroton, il est aussitôt envoyé aux États-Unis pour préparer une thèse en génétique.