Quand la musique rencontre le yoga

Sylviane Fuster, bassoniste hautement qualifiée, jongle actuellement entre ses responsabilités d’enseignante instrumentale et de professeure de yoga.

 

par Jeanine Duguet

 

 

Destin imprévisible : un accident grave oblige Sylviane Fuster, diplômée du Conservatoire de musique de Paris en tant que bassoniste, à interrompre sa carrière et à remettre tout en question. Elle va se tourner définitivement vers l'enseignement et retrouver un équilibre grâce au yoga.

En 2009, tout juste diplômée, elle rejoint l’Orchestre de la musique des Forces aériennes de Bordeaux où son mari vient tout juste d’être muté. De ce fait, elle n’y restera que dix ans. Pour elle, transmettre, éveiller, rendre la musique accessible à tous les enfants reste essentiel. C’est donc tout naturellement qu’au début de sa carrière bordelaise, elle enseigne le basson à l’école de musique de Bruges. Puis, ayant suivi une formation de musicothérapeute, elle y crée Musique Adapt qui consiste à accueillir des enfants en situation de handicap, autistes, épileptiques ou autres, afin de développer leurs ressources personnelles à travers la pratique musicale. À la suite de l'accident grave de voiture qui lui a provoqué une double entorse cervicale, elle se trouve dans l’obligation d’interrompre son contrat militaire. L’école de musique de la ville de Talence la recrute alors en tant que professeure de basson, mais lui donne aussi toutes facilités pour développer l’accueil des publics en situation de handicap au sein de son établissement.

 

Renouveau et yoga

 

Les traitements conventionnels lourds, étant inadaptés à la reprise de son métier de bassoniste au sein d’un orchestre, il lui faut chercher un moyen de sortir de cette impasse. Après bien des tâtonnements, elle découvre le yoga Vinyasa, axant le travail du corps sur la souplesse de manière dynamique ou lente. Cette pratique aide à apaiser l’esprit, à retrouver l’équilibre grâce à la respiration, à faire circuler l’énergie de façon harmonieuse. C’est un véritable renouveau physique, mental, émotionnel, « un chemin vers la découverte de soi », dit-elle. Comment transformer cette épreuve en action positive ? En 2019, un an avant de quitter l’armée, elle suit, dans le cadre de sa reconversion, une formation intensive de professeure de yoga incluant entre autres une connaissance approfondie de l’anatomie.  Puis, COVID oblige, elle lance ses cours en vidéo. Ce qui lui plaît : la créativité dans les enchaînements qu’elle adapte selon les aptitudes de chacun. Sa clientèle, composée en partie de musiciens, est heureuse de pouvoir pratiquer le yoga en restant chez eux. Elle trouve ainsi une détente, une maitrise de la respiration et un effacement des douleurs occasionnées par des heures de pratique instrumentale. Elle écrit sur son site : « Outre les profonds bienfaits physiques qu’il procure, le yoga nous enseigne la patience, l’humilité, le respect, l’acceptation, l’impermanence des choses, le dépassement de soi et de nos pensées. » Pour elle qui aime transmettre, enseigner le yoga Vinyasa, c’est « partager son expérience, apporter de la bienveillance, de la joie du bien-être et une façon d’écrire la suite de son histoire ».

 

Festival sonore

 

Le yoga, oui, mais toujours prête à diversifier ses connaissances pour rendre la musique accessible à tous et pour tous, Sylviane s’associe à Florian Dzierla1, artiste polyvalent pour créer la Fabric à sons. Les structures sonores Baschet (voir encadré), découvertes dans le grenier du père de Florian, étaient en très mauvais état. Quinze instruments extraordinaires différents qui peuvent être dupliqués à l’infini. Leur restauration a demandé d’explorer les rayons d’un magasin de bricolage à la recherche de matériaux adéquats. Loin des instruments traditionnels, ils peuvent être composés de cordes tendues, de tiges, de lames, de tubes droits ou courbes en acier placés à la verticale ou à l’horizontale, de ressorts, vis mais aussi de verre. Tous ces matériaux qui, posés sur des résonateurs de couleurs diverses pour le fun, émettent des sons et des vibrations d’une richesse étonnante. Chacun porte un nom : l’arc, les cordes, le disque, l’escalier, la grille, le sifflant, les tiges, les trois croix, les tiges courbes, le ressort, l’étoile ; et encore le double ressort, le cristal, le chandelier. On frotte, tape, racle certains ou on caresse les autres pour en faire sortir des sons étranges ou féeriques lorsqu’il s’agit du verre. Un véritable festival sonore qui se prête à l’improvisation par le jeu, destiné à des non-initiés, toutes générations confondues. De ce fait, chaque projet est nouveau selon qu’ils s’adressent à des enfants en crèches, à des handicapés ou à des résidents en EHPAD, mais dépend aussi du moment, du lieu. C’est avec un grand enthousiasme que Sylviane explore cet univers propice à la création perpétuelle, bien loin de son instrument initial : le basson. 

1 Florian Dzierla : cor solo à la Musique des Forces Aériennes de Bordeaux, professeur au Conservatoire de Gradignan, chef d’orchestre, photographe, dessinateur et passionné d’arts visuels. 

 

Structures Baschet :

Basée à Saint-Michel-sur-Orge, l’association Structures Baschet a été fondée en 1982 ; elle est installée à La grange, l’ancien atelier de Bernard Baschet. L’association avait pour première vocation de développer l’aspect pédagogique de l’instrumentarium inventé dans les années 70. Depuis le décès des deux créateurs de ces structures, François Baschet en 2014 et son frère Bernard en 2015, le travail de l’association consiste aussi à faire en sorte que leur œuvre visionnaire et sonore soit bien vivante auprès des nouvelles générations et à l’international.