La solution par le dialogue

À Bordeaux, une équipe de médiateurs est présente dans les quartiers et y assure des permanences. Une voie apaisée pour solutionner des conflits
par Marc Chantre
« Pourquoi recourir aux lois pour résoudre ce qui peut l’être par les mœurs ? » Cette question s’inscrit dans la pensée de Montesquieu. Elle est au cœur de la démarche de médiation pour qui il suffit d’un pas décalé pour se distancier d’un litige, repartir d’un bon pied et, d’une mésentente, faire naître un accord. Patrick Jacquemart, médiateur municipal de la ville de Bordeaux depuis plus de trois ans, s’est investi dans cette mission auprès des administrés.
— L’Observatoire : Pourriez-vous préciser ce qu’est la médiation ?
— Patrick Jacquemart : La médiation est basée sur l’émotion. Sans émotion, il n’y a pas de conflit. Le médiateur écoute et apaise les émotions. Souvent, les conflits naissent de malentendus. Ce n’est pas évident de venir voir le médiateur, car c’est une démarche qui oblige à modifier sa position de départ. La médiation, ça consiste à amener les gens à percevoir la situation différemment. Ce n’est pas habituel. Il faut se décaler, ne pas rester figé sur sa voie et accepter de prendre une nouvelle direction, inventer ensemble une solution. Au cours des entretiens, les deux parties expriment chacune leur problématique et recherchent un accord : ce sont des instants où le médiateur prend le temps de l’écoute. La médiation, c’est une conversation inconcevable à la base. Personne ne peut imaginer qu’à travers des mots, et en peu de temps, une réponse sera apportée à des litiges parfois très sérieux.
— Quel est le rôle du médiateur ?
— Un médiateur, c’est d’abord quelqu’un qui est bien avec lui-même et c’est essentiel car, au quotidien, on est dans une ambiance conflictuelle. Ma porte est ouverte à tout le monde, je ne peux pas laisser les gens sur le côté. Les individus qui demandent une médiation sont dans une situation perturbante qui génère de l’anxiété ou de l’agressivité. Je reçois les personnes, je les écoute, c’est l’instant où chacun percevra sa situation différemment et où je peux rétablir un équilibre entre ce qui est ressenti et ce qui est vrai. C’est le travail de l’ombre du médiateur. L’échange permet de reconnaître l’autre dans son problème. Par exemple, un désaccord s’étant élevé entre une paroisse et certaines instances municipales sur une problématique de nuisance sonore, l’intervention du médiateur a permis de rétablir une communication apaisée, respectueuse et de favoriser une solution qui puisse convenir à tout le monde.
— Comment travaillez-vous avec les médiateurs de quartier ?
Dès le début, j’ai voulu créer des postes de médiateurs dans les quartiers. Aujourd’hui, je travaille avec huit médiateurs délégués. On est sur le terrain, on rencontre les gens, on identifie le problème et on agit en connaissance de cause. Les demandes parviennent d’abord au bureau du médiateur, à la mairie, et sont reçues par mon assistante. Elle est membre du personnel municipal et connaît très bien l’ensemble des services. Les dossiers sont ensuite renvoyés vers les médiateurs de quartier en fonction des problèmes posés. Ils prennent ensuite contact avec les demandeurs, les rencontrent et définissent leurs besoins. Puis nous mettons en œuvre les démarches nécessaires.
Encadré
En 2024, la médiation municipale a traité 239 requêtes. Elles provenaient de tous les quartiers avec une surreprésentation des quartiers des Chartrons, de Caudéran et du Centre-ville. Sur la totalité des dossiers, 48 concernaient les incivilités et 44, la circulation et la voirie. 50 dossiers ont trouvé une issue favorable et 38 ont conduit les requérants, après un temps d’explication, à accepter une décision qu’ils contestaient. De nombreux autres sont en cours de traitement.
Tél : 05 56 10 33 57