Edito
Lorsqu’à la fin de l’année dernière, l’atelier de journalisme a choisi d’axer ce premier numéro de 2025 sur le thème de l’air, personne n’imaginait le réaliser dans un contexte aussi… irrespirable. Certes, l’on avait le résultat de la présidentielle américaine et les intentions affichées du milliardaire avaient déjà de quoi inquiéter. Mais les plus inventifs, des écrivains ou scénaristes n’auraient jamais imaginé qu’à cause de ce despote inéclairé, le nouveau présent dépasserait la pire des dystopies (on a au moins appris un mot). À cause de ce maléfique Crésus au poil jaune, l’angoisse des lendemains est revenue dans le monde nous plongeant près d’un siècle en arrière.
Dès lors, la promesse de caboter « dans l’air », comme nous le souhaitions naïvement, s’est singulièrement chargée d’odeurs fétides en même temps que nous changions d’ère. Nonobstant l’hommage qu’il rend aux coloristes des salons de coiffure à chaque apparition, le sinistre sire de la Maison Blanche bloque ainsi notre élan humoristique de revenir, une nouvelle fois, sur les introuvables jeux de mots autour de l’(h)air que nous offrent les capilliculteurs avec leur lexicologie avant-gardiste : Bulle d’hair, Imagin’hair, jusqu’à Faudra tif’hair et même, – nous y voilà – L’hair du temps.
Certaines, certains, extrémistes des deux bords, complotistes attitrés, militants de la mauvaise foi, ne craignent pas d’applaudir le nouvel axe sans qu’on sache s’il faut leur appliquer l’évangélique maxime de « leur pardonner car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Pour notre part, nous ne sommes pas des leurs et sommes plus près de la déprime que de l’épectase (au sens figuré of course). Le saccage annoncé de la planète par les mafieux trumpistes n’est évidemment pas là pour nous redonner foi en l’humain républicain.
De quel air devons-nous donc parler sans prendre le risque que l’actualité nous démente sitôt ces mots absorbés par la lecture ? Prendre l’air, mais où donc respirer serein, libre, détaché ? Évidemment, l’envie de jouer la fille de l’air (France) et de disparaître à Fatu-Hiva aux Marquises ou aux confins de l’Himalaya est tentante. Mais irréalisable. On peut essayer de « Finir pêcheur » comme le recommande Manset : « Vider le sablier, puis tout oublier, parce que ça grandit l’homme de vivre sans parler ». Ajouter sans radio, ni télé, ni journaux, ni portable… Ne se garder en mémoire que quelques airs de musique, ceux qui courent dans les rues « longtemps après que les poètes ont disparu » ; ne plus vivre qu’au plein air, de l’air du temps, évidemment. Ou, à l’inverse, singer l’autruche ou se glisser parmi les trois singes de la sagesse asiatique pour ne pas entendre, ne pas voir, ne pas dire le mal afin d’être épargnés par lui…
Vous l’aurez compris, à l’heure d’écrire ces lignes, plus impressionnistes qu’éditoriales, le moral est soumis à rude épreuve. Mais les journalistes de l’atelier avaient déjà choisi sujets, rendez-vous, angles d’attaque en vaillants soldats de L’Observatoire, avant ce triste 20 janvier qui a vu couler le champagne dans quelques méphitiques lieux de pouvoir absolu. On va faire donc comme si, essayer de vous distraire en vous informant sur les multiples acceptions « d’en l’air » choisies pour ce numéro. En écoutant, pour respirer, entre deux nécessaires séances de méditation, Playground love, le succès des musiciens versaillais qui composent le groupe…Air.
Jean-Paul Taillardas