L'arboretum d'Arlette
La forêt des Landes est une merveille, elle a permis la réalisation d'un rêve d’enfant.
Par Andrée Melet : texte et photos


Pause sous un magnolia photos de Andrée Melet
A priori rien ne prédisposait Arlette Hébert, neuropsychiatre à Bordeaux, à venir habiter dans les Landes. En 1995, à la suite d'un héritage, elle acquiert une maison de résiniers au Pudaou, lieu-dit de la commune de Saint Symphorien. Enfant, elle découvre la forêt au cours de randonnées. Elle aime ses parfums, ses champignons, ses chevreuils, elle rêve d’une maison dans les bois comme dans un airial1. Au Pudaou, un beau bois de châtaigniers, de bouleaux et de pins achève de la séduire. Sur ce domaine de 1 hectare et demi, elle découvre et expérimente.
Au cours de la tempête de 1999, tout le bois est tombé par terre. Elle a tout coupé, débité, rangé et laissé les choses repousser naturellement.
— L'Observatoire : Comment s’est faite la régénération ?
— Arlette Hébert : Ce qui a réapparu d'abord, ce sont les châtaigniers car l’un d’eux, qui faisait de très grosses châtaignes a essaimé. Ont repoussé également des bouleaux qui étaient rares, quelques pins et quelques chênes. Les bouleaux sont très intéressants car ils donnent de la sève, excellente pour la santé. Il suffit de la capter en faisant un trou dans l’écorce, puis en la pompant à l’aide d’une paille et la recueillir dans un bocal. Elle peut être directement consommée. J’ai tondu régulièrement mon pré en préservant les jeunes pousses de chênes et vingt-trois ans après, j’ai une forêt de chênes.
En 2004, une tempête a fait tomber encore quelques arbres qui ont terminé dans ma cheminée.
— Pourquoi une telle diversification des essences d'arbres ?
— La forêt des Landes est pour moi une merveille, je m’y sens chez moi mais je trouve que la plantation uniforme de pins, c’est un peu lassant et triste et j’ai voulu diversifier. Au cours d’un été, j’ai planté des arbres qui ne sont pas du pays : un mûrier à feuilles de platanes, un saule pleureur, un hêtre, des ginko biloba, un acacia rouge assez rare et même un pin parasol, pas typique des Landes mais magnifique. Un coup de vent très fort a failli le déraciner mais on l’a étayé et il en parfait état. J’ai aussi mis en terre des arbres fruitiers : pommier, poirier, noyer, pêchers de vigne, figuier et j’en oublie sûrement.
— Tous ces arbres ont-ils souffert de l’incendie de 2022 ?
— L’incendie de 2022, qui a dévoré en quelques jours 7 400 ha de forêt s’est arrêté à la limite de ma propriété. Les pompiers étaient venus s’installer chez moi et ils ont fait en sorte que le feu n’arrive pas jusqu’à ma maison en creusant une allée au fond du pré et en créant un pare-feu au bulldozer à la limite du bois. Ils ont protégé tout le Pudaou. Chez moi aucun arbre n’a brûlé. Néanmoins, je retrouve des souches consumées et tous les buis sont morts ainsi que les rhododendrons. Malgré tout, dans les semaines et les mois qui ont suivi l’incendie, j’ai vu tout le terrain reverdir et les fougères repartir instantanément.
— Comment choisissez-vous vos lieux de plantation ?
— Il y a quelques années je suis allée chez une amie à Biscarosse et j’ai rapporté trois pousses de chêne d’Amérique. Dans un premier temps j’en ai planté un à trente mètres de ma maison, il mesure actuellement 25 m, c’est une splendeur.
En même temps dans un autre coin à l’ombre, j’ai planté le deuxième qui n’a pas poussé. J’ai décidé de le déplacer et je l’ai mis à trente mètres de l’autre. J’ai vu cet arbre repartir et je me dis que les racines des arbres doivent se causer entre elles. Le troisième trouva sa place dans le pré, je l’ai grillagé pour le protéger des chevreuils qui mangent tout mais c’est un cheval qui s’en est régalé. Finalement il est reparti du pied et prend la même ampleur que les deux autres.
Je n’ai donc planté que des feuillus contrairement à la monoculture des pins, exception faite pour le pin parasol, offert pour mon anniversaire. Des gestionnaires de forêt privée, fidèle à l’adage « Écoute l’arbre qui pousse plutôt que l’arbre qui tombe »2 remettent en cause la gestion actuelle de la forêt landaise.
1 Dans les landes, un airial est une clairière habitée, ponctuée de feuillus, au milieu des pins.
2 Friedrich Hegel

Bouleaux, châtaigniers, peupliers