Des boulots d'avenir

Le lycée agricole de Bazas en Gironde offre aux jeunes une formation reconnue dans le domaine forestier.

 

Par Monique Etchebeheïty, photos de E. Bouillon

« Un secteur riche de milliers d’emplois stables et épanouissants ouverts aux femmes et aux hommes sur tous les territoires de France ». C’est dans ces termes que le ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt a lancé sa campagne de communication sur les réseaux sociaux pour sensibiliser les 18-24 ans à l’attractivité des métiers de la forêt.

Trente et un établissements spécialisés dont le lycée de Bazas, Terres de Gascogne, répondent aux besoins de formation de cette filière depuis le baccalauréat jusqu’à la licence en passant par le brevet de technicien supérieur agricole, option gestion forestière (BTSA GF).

 

Peu de filles

Madame Erika Bouillon, enseignante et coordinatrice de ce cursus au lycée de Bazas, précise qu’il se déroule sur deux ans, soit en mode scolaire à temps plein dans l’établissement, soit en alternance avec une entreprise. Le recrutement se fait sur baccalauréat mais, « peu d’élèves arrivent d’un lycée général car la filière souffre encore d’un manque de reconnaissance » souligne-t-elle. Elle déplore par ailleurs la faible représentation des filles dans les promotions, quatre sur seize cette année en mode scolaire et deux sur vingt-deux en alternance. « Cette proportion n’a quasiment pas évolué depuis trente ans que j’enseigne » ajoute-t-elle.

Les cours théoriques comprennent, outre l’enseignement général, des matières scientifiques et techniques spécifiques à la gestion forestière. Pour la partie pratique, le programme des élèves en mode scolaire prévoit des sorties en forêt, des voyages d’études et des stages en entreprise tandis que le suivi des élèves en alternance, en situation professionnelle la moitié du temps, repose sur « le lien fort qui se tisse entre les employeurs et les enseignants ».

Si l’obtention du BTSA GF débouche en général sur un emploi, en particulier pour les apprentis souvent recrutés à l’issue de leur formation. Des passerelles vers des écoles d’ingénieurs ou des licences professionnelles permettent aux étudiants qui le désirent de poursuivre leurs études. De plus l’accréditation Erasmus du lycée et son partenariat avec des collèges spécialisés au Québec leur offrent une ouverture sur l’étranger.

 

 

Les étudiants de Terres de Gascogne-Bazas sont en sortie forestière avec l'ONF

Travailler dans la nature

Mélissa, Lucie, Paul et Florian sont en 2e année de BTSA GF mode scolaire parlent de leurs choix.

C’est à l’occasion de journées portes ouvertes que Melissa a découvert cette filière. « Je suis arrivée au lycée de Bazas en seconde pour passer un bac pro puis j’ai enchaîné avec le BTSA. »

Lucie a éprouvé le besoin de se réorienter après un baccalauréat en sciences de la vie et de la terre et un an en licence d’espagnol. « Il y a beaucoup de propriétés forestières dans ma famille, j’ai voulu me rapprocher de cet élément. »

Après un bac scientifique et une faculté de biologie, Paul a trouvé cette formation par hasard en cherchant une nouvelle orientation. « J’ai de la famille qui vit près de la forêt mais je n’avais pas envisagé un métier dans ce domaine. »

Florian a choisi cette option au moment de son inscription sur parcours sup, après son baccalauréat maths-physique. « Je voulais travailler dans la nature et comme je suis passionné par les engins forestiers, j’ai cherché le moyen d’allier les deux. »

 

Expériences de terrain

Ils ont découvert que le contenu des études était plus riche que ce qu’ils avaient imaginé et que cette filière leur ouvrait énormément de portes.

« On a été surpris par certaines matières théoriques »,

indique Florian. « On a un cours sur la rédaction de textes concernant la production, l’écologie et les enjeux socio-culturels (randonneurs, vététistes…) de l’aménagement forestier ». Lucie souligne que ce secteur est très règlementé. « Il y a plein de documents à connaître comme le plan simple de gestion obligatoire au-delà de vingt hectares. ». « Les propriétés moins importantes doivent aussi respecter le code des bonnes pratiques sylvicoles », précise Paul.

Ils évoquent cependant la difficulté à trouver des stages, les employeurs privilégiant les élèves en alternance, mais que ce soit dans une entreprise et une coopérative forestières pour Mélissa et Florian ou à l’INRAE1 pour Lucie et Paul, tous ont apprécié cette expérience de terrain. « C’est l’occasion de découvrir le monde professionnel… On nous a laissés beaucoup d’autonomie… »

 

Du boulot dans les bois

Paul défend la légitimité des femmes dans la formation. « Elles sont peu nombreuses mais leur présence prouve que le secteur n’est pas réservé aux hommes ».

Mélissa confirme : « On imagine que ce BTSA est physique, trop manuel, que c’est un métier de bûcheron. Moi perso, je n'ai jamais tronçonné un arbre. » Lucie rappelle qu’une initiation à l’utilisation des outils est cependant prévue « pour éviter de donner des consignes aberrantes si on encadre des équipes ».

Florian estime que « Le BTSA manque de publicité. Le forestier lui-même est un mauvais communicant, peut-être parce que c’est un solitaire. On croit souvent que ses actions ne sont pas écologiques. »

Ils sont, de ce fait, particulièrement motivés par le projet d’initiative et de communication, inscrit dans leur cursus. Dans ce cadre, Paul et Florian prévoient de lancer leur propre campagne de vulgarisation et de sensibilisation au monde de la forêt sur le site Instagram et Lucie participe à l’organisation d’un forum des métiers du bois dans le lycée avec des intervenants de diverses entreprises.

Pas question de s’arrêter en si bon chemin forestier.

Parallèlement à ses cours, Paul suit une préformation pour intégrer une école d’ingénieur agronome. « C’est une passerelle unique en France proposée à tous les BTS agricoles. » Lucie, Mélissa et Florian s’orientent vers une licence professionnelle car « le niveau bac+3 est mieux reconnu par les entreprises ». Si Lucie ne sait pas encore dans quel domaine, « peut-être l’aménagement, les eaux ou l’environnement », Mélissa a choisi l’aménagement et Florian, l’exploitation forestière.

Mais qu’ils deviennent chargés d’études et de recherches, conseillers forestiers, responsables d’aménagement ou chefs d’exploitation, ces quatre étudiants motivés, déterminés, convaincus et convaincants, ne permettent pas d’en douter : la gestion de la forêt est un métier d’avenir.

 

1 INRAE : Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement)