Au cœur du feu
Les graves incendies de 2022 ont conduit à une meilleure organisation pour protéger le massif forestier des Landes.
Jean-Pierre Ducournau
Le Groupement des risques naturels et feux de forêts (GRNF) a été créé le 1er juillet 2023, à la suite des incendies hors norme qui ont ravagé le département en été 2022. Basé à Salles, au cœur du massif des Landes de Gascogne. Il est dirigé par le Commandant Rémi Lassoureille, assisté d’Anna Renoncourt, ingénieure prévision, prévention, planification et d’une douzaine de collaborateurs. Le GRNF est un ensemble de services qui, dans l’organisation globale du Service départemental d’incendie et de secours (SDIS), relève de la direction opérationnelle.
Son organisation repose sur trois axes : planification, prévention, prévision ; doctrine, techniques opérationnelles, préparation à l’opération d’intervention ; formation et développement des compétences. Si le Groupement a un rayonnement départemental, par l’attachement au SDIS, il existe une collaboration au sein du massif des Landes de Gascogne avec les collègues des Landes et du Lot-et-Garonne, sans compter tout un ensemble de formations nationales et internationales autour des feux de forêts et des risques naturels.
Un sacré défi
Pour Rémi Lassoureille, « Les incendies de la saison 2022 – 30 000 hectares de forêt détruits – ont conduit à des interrogations et à des travaux internes qui ont permis la création d’un nouveau contrat opérationnel avec un renforcement de nos capacités d’analyse, d’intervention et le soutien des pouvoirs publics. Ce fut une catastrophe : le développement des feux, leurs intensités, des conditions absolument exceptionnelles. La dimension et la simultanéité des feux nous a obligés à répartir nos forces, à être capables de coordonner et de mener des arbitrages au niveau départemental, extra-départemental, voire national par rapport à des moyens mis à disposition ».
Il précise : « Ce qu’il faut retenir et regarder avec fierté et beaucoup d’humilité, c’est le bilan humain : aucune victime. Notre organisation, notre réactivité, la manière dont les travaux ont été menés, les choix qui ont été faits, les priorités qui ont été retenues ont permis d’arriver à ce résultat. Ce fut un sacré défi : la première activation du mécanisme de protection civile européen, la réception de sept pays européens, les renforts de 77 départements, plus de 3 000 personnes engagées simultanément, le soutien de la population. Il a fallu trouver des solutions, se réinventer que ce soit dans l’organisation du commandement, des techniques déployées, dans la coordination et dans l’emploi des moyens terrestres ou aériens. »
Sans frontières
« Aujourd’hui nous développons un certain nombre de sujets nés des suites de cette catastrophe et on poursuit également toutes les tâches qui étaient les nôtres auparavant mais qui étaient réparties différemment », poursuit le Commandant Lassoureille. « Nous avons la capacité à conduire notre préparation opérationnelle et le lien avec l’ensemble des partenaires qui relèvent de la thématique de manière beaucoup plus transversale avec un guichet unique ».
Un feu dont l’éclosion se produirait en Gironde peut très bien gagner un autre département et inversement. Le massif des Landes de Gascogne et les zones sensibles ne se limitent pas aux frontières des départements. D’où la nécessité de travailler avec des procédures et des formations communes.
Il faut animer le réseau des partenaires avec une réelle spécificité au massif qui est à 95 % de la forêt privée de production. « Le bois et l’ensemble de ses dérivés constituent la première filière industrielle et la première pourvoyeuse d’emplois directs et indirects au niveau régional. La forêt des Landes de Gascogne est un enjeu stratégique et industriel énorme », précise Rémi Lassoureille.
Il faut donc travailler de manière cohérente et organisée avec les propriétaires sylviculteurs qui sont réunis dans des associations syndicales autorisées, regroupées au sein de la Défense des forêts contre l’incendie en Aquitaine (DFCI). Ce regroupement permet la protection du massif forestier par la création de pistes, d’ouvrages de franchissement pour accéder aux parcelles à exploiter ou pour lutter contre les éventuels sinistres et implantation de points d’eau pour faire face au feu.
Frapper plus vite
À la suite de cette situation exceptionnelle qui a été à l’origine de la création du GRNF, c’est toute une réorganisation qu’il a fallu redéfinir : renforcement des positions techniques, de l’organisation, du maillage territorial. Des groupes d’intervention des feux de forêt sont positionnés sur les « journées à risque » avec quatre camions-citerne feux de forêts, un échelon de commandement au sein du massif avec du personnel supplémentaire. « Le but de ce maillage permet de frapper plus vite et plus fort en cas de sinistre », souligne Rémi Lassoureille.
Les saisons 2023 et 2024 ont permis de mettre en œuvre ce dispositif. Pour le commandant du GRNF, « elles sont en trompe l’œil et ne doivent pas faire perdre de vue la trajectoire globale dans laquelle on se trouve à l’échelle régionale, nationale et internationale ». Tous les risques naturels et les risques majeurs sont de la compétence du Groupement, à l’exception des risques technologiques.
Anna Renoncourt précise : « Comme pour les feux de forêts, il y a un même schéma de prévision, prévention jusqu’aux doctrines opérationnelles et de la formation. Des formations sont proposées aux élus locaux pour les sensibiliser aux techniques opérationnelles et de communication autour de ces risques ».
Le gros enjeu est de pérenniser les moyens. « C’est le maintien du soutien des moyens de l’État qui ont été mis à disposition de la zone Sud-Ouest avec des avions pré-positionnés l’été pour la lutte aérienne (qui n’ont quasiment pas été engagés ces deux dernières années). La grosse erreur serait de faire un calcul financier. Nous sommes dans une logique de couverture du risque et non de rentabilité », insiste Rémi Lassoureille.
L’objectif reste la sensibilisation vers des actions et une préparation plus pragmatique, partagée, totalement dépolitisée pour que celles et ceux qui sont investis puissent se préparer et répondre en s’intégrant dans le dispositif mis en place face aux crises.
Face au risque, la meilleure réponse que l’on peut apporter, passe par la maîtrise de l’aménagement du territoire qui est une affaire de choix. Pour Rémi Lassoureille : « Faire en faisant abstraction, c’est faire un choix ; ne rien faire, c’est aussi un choix. »