L'espion qui venait du Périgord

François Waroux peut désormais se consacrer librement à son loisir préféré (photo de J.P. Ducournau)
François Waroux peut désormais se consacrer librement à son loisir préféré (photo de J.P. Ducournau)

François Waroux, Officier Traitant de la DGSE [1] reçoit L’Observatoire dans sa retraite du Périgord vert.

 

Il vient de publier ses mémoires : « James Bond n’existe pas » [2]. De l’Éthiopie au Pakistan, des EU au Sénégal et à la Tunisie, diplomate ou clandestin, c’est un parcours de vingt années de renseignement au service de la nation.

 

Envie de  mouvement

À sa sortie de Saint-Cyr, il commande une compagnie à Saint-Germain-en-Laye. Mais la relative routine qui s’installe ne le satisfait pas. En 1977, la lecture d’une note de service invitant les officiers à passer deux jours à la caserne Mortier – siège des services spéciaux – va décider de son avenir. « Je voulais en “être”, rejoindre cette structure au sein de laquelle les jours ne se ressemblaient pas. » François devient Frédéric, son pseudo pour tous ses collègues. L’année de formation comprend des exercices de synthèse, d’analyse et des mises en situations délicates. Avoir pratiqué le théâtre au cours de ses études est un atout important lors de ces cas pratiques. Les exemples sont variés : vendre des bibles, en soutane, dans le métro ; casser des verres sur un comptoir dans un café ; vendre un épurateur de fumée à un grand avocat parisien, etc. « Ces épreuves réussies, nous sommes “armés” pour partir en mission, pervertir et faire trahir la personne qu’on nous a demandé de cibler. D’où les cas de conscience que l’on ressent après. »

 

Permis d’espionner

L’Officier Traitant exerce une mission de renseignement et de manipulation. Il entre en communication avec une personne afin de l’amener à dévoiler des secrets industriels, économiques ou politiques. La cible est l’organisme qui détient les éléments stratégiques que l’on doit connaître. La source est la personne que l’on doit manipuler et qui « ouvrira les tiroirs où se trouvent les renseignements ». « Si la source désignée joue au tennis, il faudra s’inscrire au club pour la côtoyer et petit à petit entrer en contact avec elle par des actes banals : le « bonjour », le ramassage les balles, des propos anodins, etc. Une fois la relation de confiance établie, alors commence le travail. ».

 

Diplomate et clandestin

En 1983, François Waroux arrive à Addis-Abeba (Éthiopie) comme 2e Secrétaire de l’Ambassade de France. Sa mission, sous couverture diplomatique, consiste à savoir jusqu’à quand le pouvoir dictatorial du DERG [3]peut se maintenir. La surveillance quasi constante des services de sécurité ne facilite pas le travail mais les contacts avec les confrères des autres ambassades et le suivi des dossiers de l’OUA4 permettent de recueillir d’utiles renseignements. Un incident, qui aurait pu être dramatique, a marqué cette mission. On livra deux salades à son intention. Dans un pays ravagé par la famine ce cadeau interrogeait. Il donna ces légumes aux lapins qu’il avait offerts à ses filles. Le lendemain ils étaient morts ! En 1989, c’est à Islamabad au Pakistan qu’il est affecté à l’ambassade. La mission consiste à fournir des informations sur la situation entre l’Inde et le Pakistan et sur l’Afghanistan. Autre pays, autre ambiance lourde avec l’insécurité, les conflits ethniques et religieux, la corruption des services de police et la surveillance des services de sécurité.

Il est clandestin aux ÉU pour un travail d’investigation sur la recherche nucléaire aux États-Unis. Il part sous fausse identité d’employé d’une agence de tourisme qui fait le tour des sites touristiques pour négocier des partenariats. Pour mettre en place la « légende » il faut des mois de préparation (connaissances des musées et parc d’attractions ; imprégnation de sa nouvelle identité, etc.).

L’action de François Waroux « est avant tout guidée par le patriotisme et la dignité ». Il précise, « un confesseur ne dénonce pas ceux qui lui ont confié leurs péchés, un homme du renseignement sait aussi ce qu’il peut dire et ne pas dire ; après l’entretien vous saurez tout mais je ne révèle rien ! » Puis avec un grand sourire, il s’installe au piano et improvise sur le concerto n°1 de Chopin.

 

Jean-Pierre Ducournau

 

[1] Direction générale de la sécurité extérieure

[2] Mareuil Éditions

[3] Gouvernement Militaire provisoire de l’Ethiopie

4 Organisation de l’Unité Africaine