Un jeune éditeur

Du journalisme à l’édition, Stéphane Saubole accomplit un parcours prometteur.

 

 

À 38 ans, il vient de réaliser l’édition de son second ouvrage. Après plus de 10 ans consacrés pour l’essentiel à l’écriture d’articles et de reportages, Stéphane Saubole crée à Bordeaux, en 2009, sa maison d’édition Eaux-Fortes. Seul actionnaire et gérant de cette petite structure, il fait le choix du statut EURL, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, forme juridique encouragée par les pouvoirs publics.

Posé et assez réservé, il s’anime et son regard s’éclaire quand il évoque ses livres. Il s’exprime alors avec aisance avec des mots choisis, d’une voix chaude et convaincante. Éminemment sympathique, Stéphane pourrait être pris pour un animateur culturel !

 

Arcachon/Poitiers/Bordeaux

Né à Arcachon, il garde pour ce lieu un attachement particulier, lié à ses racines familiales et à la beauté de ce coin de terre et de mer. L’essentiel de sa jeunesse, il le passe néanmoins à Poitiers où il suit, à l’université, des études d’histoire, avant de préparer un DESS de management d’entreprise.

Passionné de lecture, il exprime une forte curiosité pour les livres, avec l’envie débordante d’en découvrir les différents horizons. Dès le lycée, écrire entraîne chez lui un plaisir manifeste.

Cette capacité naturelle qu’il cultive, le conduit encore étudiant, à proposer ses services au journal Centre Presse. Il débute avec des articles et des reportages sportifs. Il commence ainsi un travail de pigiste qu’il poursuit encore aujourd’hui. Le domaine du sport n’engendre pas de grande littérature, mais cela lui donne une première expérience en développant chez lui le respect des délais, l’esprit de synthèse et la rapidité d’exécution. Bordeaux et la proximité du Bassin exercent irrémédiablement sur lui, leur attrait. Il y retrouve beaucoup d’amis et une partie de sa famille. La possibilité de faire son stage de DESS à Sport Aquitains l’ancre dans cette ville où il s’installe définitivement.

Il écrit avec talent dans de nombreuses revues, Le Festin, Objectif Aquitaine, périodiques du Conseil régional et de la ville d’Arcachon…

Un temps engagé comme chargé de communication d’une petite ville, il organise des événements culturels et réalise des publications pour la municipalité. Cela le met en contact avec des concepteurs, des graphistes, des photographes, des imprimeurs et lui donne une pratique précieuse pour son métier d’aujourd’hui.

 

Chroniques taurines

L’expérience tourne court et le met un moment en difficulté. Stéphane Saubole met à profit cette période de réflexion forcée pour concrétiser son rêve de toujours, s’engager dans l’édition en créant sa propre entreprise. Son métier de journaliste lui a permis de tisser des liens précieux à Bordeaux plus particulièrement dans le milieu culturel et économique, qui peuvent favoriser, il l’espère, le succès de sa démarche.

Pour son premier ouvrage, plusieurs projets émergent, mais il est séduit par les chroniques taurines de Zocato, parues dans Sud Ouest entre 1988 et 2009. Au cours de ses rencontres avec ce personnage hors du commun, il le persuade de faire un livre avec une sélection de ses articles. Pour l’illustrer, François Ducasse, artiste reconnu, accepte de mettre à sa disposition ses meilleures photos. Il en résulte un ouvrage de 160 pages, de qualité exceptionnelle avec 88 chroniques incomparables et un florilège de 94 clichés d’une beauté saisissante. Pierre Albaladejo préface cet hymne à la tauromachie, apprécié par les aficionados.

Que de chemin parcouru et de difficultés surmontées avant d’en arriver là. Stéphane Saubole doit d’abord retrouver la trace des 2000 chroniques publiées par Zocato, non conservées par l’auteur, avant d’en faire une sélection autour d’un fil conducteur en cohérence avec les photos retenues. Puis vient le moment de la mise en page, fruit d’un travail à quatre mains, avec le jeune François-Xavier Moogin, graphiste talentueux. Un emprunt de 15 000 euros lui permet de contribuer à l’essentiel de l’investissement, 17 000 euros pour l’impression de 2.000 exemplaires, confiée à l’imprimerie Escourbiac de Graulhet, une des meilleures de France. Le résultat est remarquable pour ce livre qui rencontre un réel succès en librairie, malgré sa diffusion limitée à quelques régions.

 

Les essuie-glaces fatigués…

Il est difficile de rebondir après l’édition réussie d’un premier titre qui a mobilisé toute l’énergie de Stéphane Saubole, pour une véritable confection artisanale et une promotion efficace auprès des médias. Vérifier le positionnement de son ouvrage dans les librairies, assurer le suivi des ventes auprès de son diffuseur et en contrôler le versement trimestriel, est stressant pour une première expérience.

Retrouver l’envie d’engager la fabrication d’un deuxième ouvrage est vital mais il faut que les ventes du premier dégagent les moyens nécessaires. Sur les produits de la vente, 1 600 exemplaires aujourd’hui à 39 euros l’unité, environ 17 % du montant HT (TVA 5,5 %) reviennent au diffuseur, 30 à 35 % au libraire, 10 % à l’auteur et au photographe. Il reste autour de 40 % HT à l’éditeur pour couvrir ses frais et assurer sa marge.

Tenté par l’édition d’un nouveau beau livre, Stéphane lance finalement la collection pourpre avec un ouvrage plus modeste qui regroupe treize nouvelles de Gilles Vincent. Ce dernier a déjà publié avec succès trois romans policiers. Il rencontre par hasard Stéphane Saubole, chez un ami commun. Séduit par l’auteur et la qualité des nouvelles, le déclic s’opère. Les essuie-glaces fatigués rendent les routes incertaines, imprimé en Espagne au tarif imbattable de 2 800 euros HT pour 2 000 exemplaires, est publié en janvier 2011.

« Treize promenades, un périple émouvant au pays des regrets, des destins que l’on rate, comme les trains pressés de partir sans nous. »

Cet ouvrage rencontre très vite un succès d’estime et figure également au catalogue de Mollat. Cependant moins marquant que celui de Zoccato, sa promotion se révèle plus difficile et l’éditeur peine à décrocher des articles le mettant en avant dans les médias, malgré un dossier de presse bien argumenté, largement diffusé. Avec un prix de vente à 14 euros, il lui laisse par contre une meilleure marge, vu son faible investissement.

 

Trente trois bordelais se racontent

Ce troisième ouvrage dont la publication est prévue fin avril 2011, s’inscrit dans le programme d’Eaux-Fortes, grâce à une nouvelle rencontre. Brigitte Ravaud-Texier a mobilisé des membres et anciens de l’atelier de journalisme, qu’elle anime à l’Université du temps libre, pour réaliser les portraits de 33 personnalités bordelaises.

À la recherche d’un éditeur, elle participe, grâce à un concours de circonstance, à une séance de présentation et dédicace du livre Chroniques taurines organisée par Stéphane Saubole au Plana, place de la Victoire. Elle est convaincue par son discours. Souhaitant, comme toujours, associer les interlocuteurs qui la branchent à son dessein, elle lui propose de participer à son groupe organisé en Club des écrivains reporters de Bordeaux (CERB) et de participer au travail d’écriture. Bien que très pris, Stéphane, interpellé par la spontanéité de cette offre, donne une suite favorable. Faire des portraits est dans son registre et il trouve le sujet porteur !

Non sans quelques balbutiements, l’ouvrage se concrétise et un accord de co-édition s’établit entre le CERB et Eaux-Fortes, pour la fabrication et de la diffusion du livre 33 Bordelais se racontent au prix de 20 euros pour 200 pages. La maquette est conçue et la mise en page assurée par Roger Peuron. Les photos sont réalisées par Laurent Theillet, photographe réputé à Sud Ouest et la couverture créée par une jeune graphiste de talent, Hélène Reyreaud. Quel sera le succès de cet ouvrage qui ne peut à priori que séduire les Bordelais ? Une présentation avec séance de dédicace est prévue le jeudi 16 juin à 15h, à l’Athénée à Bordeaux.

Malgré les difficultés pour Stéphane Saubole de vivre aujourd’hui de son seul métier d’éditeur, il s’accroche à sa destinée et croit toujours en sa réussite. Au-delà du hasard qui a guidé ses pas à maintes reprises, il espère qu’une de ses publications décrochera le jackpot et l’installera définitivement dans cette profession qui le passionne.

 

François Bergougnoux