Renaissances

Anciennes constructions en terre et rénovations en bord de Garonne

 

Photos de P. Guillot

Je suis une maison modeste, mais un abri agréable pour mes habitants. Située sur les collines qui longent la Garonne, dans la campagne toulousaine, en Lomagne. Mon aspect n’est pas très éloigné de celui de mes voisines du Lot-et-Garonne, du Gers et plus généralement de Midi-Pyrénées. Nous avons été construites avec l’argile extraite du sol où nous sommes implantées.

 

Mes atours

Tous mes murs sont faits en torchis mais on ne le voit pas, un mortier de chaux le recouvre. Le sous-bassement est en brique de terre cuite et en gros galets de la Garonne, ce qui m’isole de l’humidité. Sur la façade, se trouve un porche appelé balet qui donne accès à l’habitation. Au-dessus, le mur est en torchis et pans de bois. Dans la campagne environnante, les blocs de ferme sont flanqués du pigeonnier en pied de mulet, formé de deux toitures en gradin ou bien celui avec un toit à quatre pentes et son capel. Parfois la maison est surmontée d’un pigeonnier-balcon à pans de bois et torchis. Un grand toit à quatre pentes qui déborde abrite les écuries, grange et hangar et surtout protège tous les murs de la pluie. Les encadrements des portes et fenêtres sont en bois, brique cuite ou pierre. Mes fenêtres regardent vers l’est pour admirer les premiers rayons de soleil.

 

Petit à petit

L’oiseau fait son nid… J’existe depuis trois cents ans. Lors de ma construction, la transformation de la terre en matériau pour l’habitat ne nécessite que peu d’énergie pour la transporter. Seule contrainte, il faut de nombreux bras pour creuser le sol. On fait donc appel aux voisins et parents. Il faut ensuite préparer la terre, mélangée à la paille ; elle peut comporter des galets, l’ensemble tiendra mieux ! Cette préparation s’effectue pendant l’hiver. Il faut en faire un silo qui prendra moins la pluie .Il est nécessaire de l’ameublir à la pelle de temps en temps. On construit au printemps. Le pisé se fait à l’aide d’un coffrage appelé banches Ce sont des planches de 4 m de long et 90 cm de large, clouées sur des traverses verticales. On lance le mélange à la pelle, sur une hauteur de 20 cm. Avec des pilons, on tasse jusqu’à ce que l’épaisseur diminue de moitié. On laisse sécher puis on continue. Les maisons sont aussi construites à l’aide de briques de terre crue, composées de graviers, sables et d’éléments fins comme de la sciure, des enveloppes de graines, des poils d’animaux, limons et argiles. On comprime le mélange dans les moules. On laisse sécher 15 jours. C’est ainsi que j’ai été bâtie !

 

Coup de jeune

Mes anciens propriétaires, cultivateurs et éleveurs ont pris la retraite et sont partis vivre au village. J’ai été abandonnée, de nombreuses années, à la pluie, aux ronces, aux rodeurs qui ont volé quelques belles tuiles de mon toit. Et puis, voilà quatre ans, des citadins sont venus. Ils ont vendu leur maison située à Toulouse et ont succombé aux charmes d’une vieille ferme pas trop éloignée de la grande ville. Ils ont, durant les premières années de leur retraite, entrepris les travaux. La façade a été refaite, ils ont appris les méthodes d’autrefois. À l’ouest, un grand pan de mur écroulé a été remplacé par une verrière qui illumine les pièces. Les enfants, petits-enfants et amis viennent souvent leur rendre visite. Ils se retrouvent autour d’une immense table, dans l’ancienne étable où ils ont conservé les mangeoires. Tous les murs et cloisons ont été grattés. Les anciens enduits supprimés ont laissé apparaitre la belle couleur de l’argile, simplement lissée. Il suffit de lever le nez pour apercevoir les solides poutres de la charpente. Le sol de terre battue de l’étable a laissé place au pavement de terre cuite. Le mobilier futuriste, la cuisine à îlot central en inox, m’ont redonné un grand coup de jeune. Je suis redevenue une habitation permanente mais au confort moderne, tout en gardant la mémoire de mes origines. Mes propriétaires apprécient les qualités de la terre sur une épaisseur de 30 cm : la maison est bien isolée. Ils ont suivi les conseils de l’association Maisons paysannes de Francequi préconise de préserver le patrimoine existant pour qu’il s’intègre dans un environnement paysager ancien. Malgré de nombreuses disparitions, beaucoup de ces maisons ont été sauvées.

 

Pierrette Guillot