Le Golem

Prague regorge de nombreuses légendes juives. On ne peut échapper à celle du Golem, humanoïde informe et inachevé fait d’argile qui liera à jamais l’histoire du Rabbi Loew à celle de l’empereur Rodolphe II.*

Le Golem (P. Guillot)
Le Golem (P. Guillot)

Le ghetto de Prague était un des plus anciens d’Europe centrale. Les juifs seraient arrivés dans la ville après la destruction du temple de Jérusalem. L’architecture labyrinthique, aux ruelles étroites et sombres, fut propice à la magie de l’évocation légendaire.

Comme dans de nombreux endroits les persécutions antisémites étaient monnaie courante ; violences, baptêmes forcés, confiscation des biens.

Le plus illustre des juifs de Prague, Rabbi Loew, se demandait comment mettre fin à la souffrance de son peuple. Une nuit il adressa une prière à Dieu, espérant qu’on lui révèlerait le moyen de sauver son peuple.

« Crée un Golem à partir du quatrième élément ! »

Rabbi Loew interpréta ce message comme une incitation à reproduire un être vivant avec de l’argile. Il confia le secret à son plus jeune fils et à son gendre : « je vous demande de m’assister, toi Joschka, tu es le feu, toi Jacob, tu es l’eau, moi je suis l’air. Nous trois allons créer ensemble le Golem à partir du quatrième élément : la terre. »

Le jour dit, les trois hommes se rendirent au bain rituel, s’y émergèrent avec dévotion pour expier leurs péchés et se purifier. Franchissant les portes de la ville à la nuit tombante, ils descendirent sur la rive de la Moldau. À la lueur des torches, avec fébrilité, en chantant des psaumes, ils façonnèrent avec l’argile un corps de trois aunes de long avec tous ses membres. Il gisait devant eux, sans vie, inerte le visage tourné vers le ciel. Ils commencèrent alors une série d’incantations hébraïques pour donner vie à la créature inanimée. Jizchak fit sept fois le tour du corps d’argile qui devint d’un rouge de feu. Jacob fit de même et l’eau afflua, les cheveux et les ongles poussèrent. Pour parachever le travail, Rabbi Loew lui introduisit dans la bouche un schem, morceau de parchemin marqué du signe divin et lui insuffla de l’air dans les narines.

« Lève-toi ! »

Et le Golem se leva, ils l’habillèrent et aux premières lueurs de l’aube, quatre hommes regagnèrent leur maison. Tout en cheminant, le rabbin dit au Golem :

« Tu t’appelleras Joseph, ton devoir sera de protéger les Juifs et tu suivras mes ordres »

Rabbi Loew expliqua qu’il avait trouvé dans la rue ce géant muet à la force herculéenne et qu’ayant pitié de lui, il l’avait pris comme serviteur au rabbinat.

Le temps passa et la communauté ne fut plus importunée, le géant dénué d’intelligence obéissait au Rabbin. Une veille de sabbat, ce dernier oublia de lui donner l’ordre de monter la garde et de rester vigilant. Golem livré à lui-même, désœuvré, traversa la ville en détruisant tout sur son passage, il terrorisa les habitants de Prague. L’empereur Rodolphe II demanda au Rabbin de détruire sa créature, ce qu’il accepta en échange de la sécurité pour son peuple.

Le Golem dormait dans le grenier de la synagogue Vieille-Nouvelle. Une nuit les trois hommes commencèrent leur œuvre de destruction en faisant systématiquement à l’envers tout ce qu’ils avaient fait lors de la création. Il ne resta qu’un monticule de boue. Il fut dorénavant interdit de monter dans ce grenier. On raconte qu’au pire moment des destructions, la synagogue ne subit jamais de dégâts.

 

Il existe de très nombreuses versions de cette légende et différentes interprétations. Mais si l’on voit en Rabbi Loew un être capable d’animer une créature de terre, il reste surtout le premier juif pragois à obtenir audience avec l’empereur qui le reçut au Château en lui promettant protection pour sa communauté.

Paule Burlaud

 

*né en 1552 à Vienne, fils de l’empereur Maximilien et de Marie d’Autriche.