Sous la terre, la grotte de Pair-non-Pair

L'entrée de la grotte Pair-non-pair (Photo Daniel Vallée)
L'entrée de la grotte Pair-non-pair (Photo Daniel Vallée)

Cavité naturelle dans un massif de calcaire dit « à astéries » vu l’abondance d’osselets d’étoiles de mer.

 

Cette caverne, refuge et sanctuaire à la fois, est occupée pendant soixante mille ans successivement par l’homme de Neandertal et par l’Homo sapiens sapiens (homme de Cro-Magnon). La grotte, à l’origine, est profonde d’une trentaine de mètres, composée, pour sa moitié, d’un couloir dont le toit s’est effondré et d’une galerie encore abritée, comprenant la salle des gravures à laquelle elle doit sa célébrité mondiale et de pièces qui servaient d’habitat.

 

François Daleau : le découvreur

La légende veut que cette grotte ait été découverte en voulant dégager une vache dont la patte s’était prise dans une cavité. Même si cette histoire est très belle, la réalité est différente. « Le 6 mars 1881, nous nous sommes rendus sur la propriété de Monsieur de Barbarin pour visiter une grotte que j’avais aperçue la veille en passant avec mon oncle » écrit François Daleau sur ses cahiers d’écolier qui enregistrent au jour le jour le compte rendu de ses activités. Il ramasse quelques débris d’ossements et des silex, preuve indubitable qu’il vient de découvrir une habitation de l’époque préhistorique. Ainsi commence la saga de Pair-non-Pair qui dure une trentaine d’années. François Daleau a trente-cinq ans, il a de solides connaissances dans plusieurs disciplines, notamment en géologie, archéologie et anthropologie, il fait partie de plusieurs sociétés savantes et a pratiqué des fouilles dans la région. Il s’occupe, professionnellement, de l’exploitation de vignobles appartenant aux familles Daleau et Brizard (du côté de sa mère dont une parente, Marie avait inventé au XVIIIe siècle une célèbre liqueur) ce qui limite ses interventions de fouilleur. En Juillet 1892, la propriété est vendue à Monsieur Millepied, ce dernier, plus intéressé, loue sa terre et augmente régulièrement ses prix ce qui contraint François Daleau, par contestation, à cesser ses fouilles pendant trois ans avant de les reprendre avec ardeur en 1896. Après plusieurs marchandages avec le propriétaire, la grotte est acquise par l’État le 14 décembre 1900 et devient aussitôt monument historique. À partir de cette date, vue son état de santé, l’activité du fouilleur ralentit jusqu’en 1913, date de sa dernière séance. Il meurt à Bourg-sur-Gironde en 1927.

 

Le sanctuaire

En 1883, au cours de ses recherches, François Daleau remarque dans la voûte au niveau de la galerie que l’on appellera plus tard la salle des gravures, un orifice d’une soixantaine de centimètres de diamètre. Il le dégage de la terre et des pierres qui l’obstruent. L’intérieur de la caverne est maintenant éclairé. C’est cette lumière qui permettait certainement aux hommes de graver les murs et au fouilleur, aidé également par celle provenant de l’entrée de la cavité dégagée, de découvrir l’art pariétal de Pair-non-Pair en 1896. Il identifie sur les parois un riche ensemble de gravures. Sa première découverte est un cheval à tête retournée dit l’Agnus dei, emblème de la grotte, suivirent des animaux complets ou non dont l’identification est certaine ou probable comme des chevaux, des bovins, des cervidés, des mammouths, un mégacéros, des bouquetins. Concernant ces derniers, leurs os n’ont pas été retrouvés ni dans la grotte ni dans aucun gisement préhistorique en Gironde, ce qui prouve que les graveurs ont rencontré ces animaux dans une autre région et qu’ils ont migré soit pour chasser, soit pour rencontrer d’autres hommes ou enfin pour chercher de la matière première comme du silex. François Daleau observe, par places, des tâches rouges, preuve que certains animaux, après avoir été gravés, ont été peints, plus exactement il semble que la paroi entière est badigeonnée. Par ailleurs, des omoplates de bovidés utilisées comme palettes renforcent cette idée.

 

Lieu de vie

Dans la deuxième partie, se trouve un espace de vie utilisé, au maximum par 10 à 15 personnes. Au sol, François Daleau retrouve des restes de foyer, au-dessus, dans la voûte, une deuxième ouverture sert de cheminée. Autour de ce foyer, des alcôves sont utilisées pour dormir. Au fond coule une source formant une piscine dont le trop-plein s’évacue naturellement. Des éléments indispensables à la vie sont rassemblés autour et dans la grotte de Pair-non-Pair : la faune très présente dans la région, utilisée pour la nourriture, l’habillement, l’outillage, la parure, l’eau, le feu, la pierre servant à faire des outils et enfin la protection naturelle d’un fond de grotte.

Les vestiges trouvés sur le site de Pair-non-Pair sont conservés au musée d’Aquitaine et la faune au Muséum d’histoire naturelle de Bordeaux

 

Daniel Vallee