Terre de Gascogne

Avec une production faïencière originale, Samadet laisse sa signature dans la tradition potière du Sud-Ouest.

 

Faïence de Samadet au Musée départemental de Samadet (I. Denis)

Mésopotamie, Perse, Espagne, Italie. Depuis leur apparition vers le IXe siècle en Irak jusqu’à leur propagation à la renaissance, les premières poteries stannifères* parcourent un très long périple avant de prendre le nom d’une ville des Apennins Faïenza. En France, c’est au XVIIIe siècle, que cette céramique connait son âge d’or avec 1 300 faïenceries régionales. En ordonnant la fonte des objets en or et en argent du royaume pour financer des guerres ruineuses, le Roi Soleil oblige l’aristocratie à se tourner vers la faïence pour remplacer leurs services de table. C’est dans ce contexte, qu’en 1732, le Baron de Samadet implante une manufacture au cœur des Landes.

 

De la terre à la table

Née argile rouge dans les terres du Tursan, je suis extraite à coup de pioche et emmenée à la manufacture royale. Dans un grand fouloir, je suis piétinée, mélangée à du sable et de l’eau, pétrie, homogénéisée puis rebattue et malaxée. Devenue pâteuse, je suis placée dans de malodorantes fosses de pourrissage pour décanter et être nettoyée. Après avoir reposé plusieurs semaines, je suis prête à l’emploi. Malléable, les mains expertes du tourneur vont me façonner selon son désir. Un tour de potier détermine mes belles courbes. Docile, je me moule pour prendre des formes irrégulières et l’agilité du mouleur m’attribue anses ou becs. Après un temps de séchage, je subis l’épreuve du petit feu : une vingtaine d’heures à 900° C pour m’endurcir ! Refroidie avec tact et précaution, me voici passée du statut de cru à celui de biscuit. Je suis jugée prête à plonger dans le grand bain d’étain et de plomb. L’émaillage me revêt d’une belle robe qui me colore et m’imperméabilise. Ainsi parée et séchée, je m’abandonne sous le pinceau habile du peintre pour ma décoration. Une deuxième mise à l’épreuve plus longue et plus intense m’attend alors: la cuisson au grand feu. Après un refroidissement exécuté avec délicatesse, ma fabrication s’achève : argile, je suis devenue faïence et je vais m’exposer dans de riches demeures ou orner les tables raffinées du royaume.

 

Des roses et des palombes

L’axe commercial Bordeaux-Pau, la présence de sables, de bois, de cours d’eau mais surtout d’une belle terre grasse et argileuse incite le Baron de Samadet à se lancer dans l’aventure faïencière. En propriétaire terrien avisé, il fait appel à un expert, Daniel Le Patissier, de la très renommée manufacture Hustin à Bordeaux. La fabrication s’adresse d’abord à la noblesse régionale mais se vend à Auch, Montauban, Toulouse. Reconnue Manufacture royale de Fayence, la fabrique connait son apogée entre 1750 et 1800 et emploie alors 50 ouvriers. Sur le port de Saint-Sever, la production s’embarque sur des gabarres et vogue sur l’Adour vers Bayonne d’où elle s’exporte. Pièces de table (légumiers), objets de salon (bougeoirs, bouquetières), éléments pour la toilette (plats à barbes, bassins) s’ornent de motifs influencés notamment par Nevers, Rouen, Strasbourg et de décors locaux originaux. Les premières assiettes, blanches, se colorent de camaïeux bleus qui perdureront pendant le siècle d’existence de la fabrique. Samadet se caractérise surtout par son motif de palombe dans un décor de camaïeux verts. Avec l’apparition de la polychromie, se développe la représentation de petits personnages et de décors floraux. Plusieurs formes de roses coexistent comme la rose chatironnée**  aux contours cernés d’un fin trait noir ou celle à renoncule, au cœur jaune. Propre à Samadet, la rose stylisée a un corps globuleux violacé. L’activité de la manufacture cesse définitivement en 1840, concurrencée par la porcelaine et la faïence fine d’Angleterre qui s’industrialisent.

Si à l’origine, un musée départemental*** s’est crée pour sauvegarder la connaissance de la faïence de Samadet, il s’est enrichi d’un espace dédié aux arts de la table, d’une boutique et d’un atelier qui propose des démonstrations de fabrication et de décoration de faïence.

 

Isabelle Denis

 

* à base d’étain

**de l’allemand Schattierung qui signifie ombre

***Musée départemental de la faïence et des arts de la table à Samadet (Landes)