Droit du sol (jus solis)

Les débats sur l'accès à la nationalité dépassent les clivages historiques, politiques et culturels.

 

Appartenir à la communauté (photo J.L. Deysson)
Appartenir à la communauté (photo J.L. Deysson)

À l'heure de la libre circulation des personnes, de l'ouverture à l'autre, paradoxalement tout le monde revendique une identité, un attachement, un enracinement, une appartenance, un terroir, une filiation. Qui, déraciné lors des grandes vagues migratoires, n'a pas emporté dans la tourmente, un peu de ce sol d'origine, terre, sable, cailloux ?

Le problème de l'acquisition de la nationalité se pose alors pour la personne migrante, son conjoint, ses enfants. Le débat fait rage, divise, mobilise.

En France, on pense que l'accès à la nationalité française relèverait du droit du sol, ce qui est remis en cause dans les débats politiques.

 

 

Prendre appui sur le sol (photo J.L. Deysson)
Prendre appui sur le sol (photo J.L. Deysson)

Assise du Droit

Mais qu'est-ce que le droit du sol ?

C'est une règle de droit qui accorde la nationalité à une personne physique née sur un territoire national, indépendamment de la nationalité de ses parents. Le droit du sang (jus sanguinis) met en exergue la filiation comme critère de nationalité.

L'Allemagne privilégie le droit du sang, le Royaume Uni le droit du sol, en France les deux principes se combinent. Est-ce aussi simple ?

Une personne née sur le sol français de parents étrangers acquiert la nationalité française en vertu du droit du sol dans les conditions suivantes :

- dès sa naissance si l'un des parents est lui-même né en France.

- à sa majorité, si elle a eu sa résidence habituelle en France pendant les cinq années qui précédent sa demande. Il en est de même pour un mineur entre 16 et 18 ans s'il réside en France depuis cinq ans. Les parents peuvent demander la nationalité française pour leur enfant dès qu'il a atteint l'âge de 13 ans.

Mais le Code Civil en étend le principe :

- Article 19 : « Est français l'enfant né en France de parents inconnus », exemplarité et force de l'application du droit du sol. « Toutefois il sera réputé n'avoir jamais été français si, au cours de sa minorité, sa filiation est établie à l'égard d'un étranger et s'il a conformément à la loi nationale de son auteur, la nationalité de celui-ci. » De même :

- Article 19-1 : « Est français, l'enfant né de parents apatrides ou l'enfant né en France de parents étrangers pour lequel les lois étrangères de nationalité ne permettent en aucune façon qu'il se voie transmettre la nationalité de l'un ou l'autre de ses parents. » Les mêmes restrictions s'appliquent comme à l'article 19.

 

Sol ou sang

Depuis la Renaissance, la règle dominante était qu'une personne née et résidant en France était française sans qu'il soit nécessaire d'être né de parents français. La Révolution française viendra bousculer ce principe car il  assimilait la personne née sur le sol à un bienappartenant au souverain. Le jus sanguinis fait entrer la nationalité dans la modernité, la nation est à l'image d'une famille, se crée un lien de filiation.

On a coutume de dire que le droit du sol est français et le droit du sang allemand. Mais à la fin du 19e siècle en France, le droit du sol est remis en cause par la droite car il intègre trop facilement les enfants d'immigrés. À gauche, on rétorque que le droit du sang, c'est l'Allemagne raciale ! L'histoire des nations nous montre qu'après la réunification de l'Allemagne celle-ci devenue un pays d'immigration applique petit à petit le droit du sol.

 

Sol et sang

Au gré des conflits internationaux, des revendications territoriales, des annexions et invasions légitimant les actions sur la langue, la culture, la religion, l'antériorité de la présence, le droit de la nationalité oscille. Il n'existe pas de corrélation entre le territoire et les nationaux qui y résident.

La nationalité par la filiation fonctionne pour les pays d'émigration, cela permet de transmettre sa nationalité à l'étranger. Dans un pays d'immigration le jus solis permet l'intégration des enfants immigrés. La plupart des pays européens, en devenant des pays d'immigration ont ajouté le jus solis au jus sanguinis de leur Code civil. L'Europe sera-t-elle la nouvelle frontière de la nationalité ?

L'accès à la nationalité ouvre une autre question, celle du droit de vote au moins dans son périmètre local et de sa légitimité.

 

Jean-Louis Deysson

Un parmi d'autres (photo J.L. Deysson)
Un parmi d'autres (photo J.L. Deysson)