La passion Darrigade

Le Musée des Arts décoratifs de Bordeaux présente, dans le cadre de son cycle dédié aux collectionneurs, une deuxième exposition privée remarquable, celle de Jacques et Laurence Darrigade, consacrée aux céramiques Vieillard qui a lieu jusqu'au 21 Septembre 2015.

Photos de M. Depecker

Jacques et Laurence Darrigade ont constitué, depuis 25 ans, une collection extraordinaire de 600 pièces qui a envahi leur maison. Tous les deux partagent cette passion de rassembler des faïences fines ou des porcelaines fabriquées par la manufacture Vieillard au XIXe siècle. Leurs murs sont tapissés d'assiettes, de plats, tous les recoins sont utilisés, leurs meubles surchargés. Après avoir écumé les brocantes et antiquaires depuis 1990, Internet leur permet des recherches encore plus importantes sur les sites de ventes et disent « qu'il  leur arrive de faire des achats immédiats à deux heures du matin »

 

Une manufacture bordelaise

L'histoire de la faïence fine Vieillard s'est constituée en plusieurs étapes. Un artiste, Boudon de Saint-Amans découvre, en Angleterre, les procédés de fabrication de la faïence fine. En France, après avoir travaillé à Sèvres, Creil, Montereau, Choisy, il rencontre en 1829 un négociant bordelais Rateau avec qui il fonde la première manufacture de faïence fine bordelaise Lahens et Rateau. éphémère entreprise qui ferme en 1833. L'année suivante, pour reprendre la production, il s'associe avec David Johnston, magistrat bordelais d'origine irlandaise et maire de Bordeaux. Celui-ci se fournit en Angleterre pour les combustibles et la matière première, se bat pour son affaire et doit abandonner ruiné. Après ces problèmes financiers, l'affaire est cédée en 1844 à Jules Vieillard, collaborateur de David Johnston, elle devient la société Jules Vieillard et Cie. Il décide de se fournir uniquement en France pour la matière première. La société se développe à travers l'action de Jules Vieillard en une véritable production industrielle jusqu'à sa mort en 1868 et ensuite avec ses deux fils. En 1895, elle ferme définitivement.

 

La collection Darigade

Au rez-de-chaussée, un film documentaire restitue l'univers extraordinaire de Jacques et Laurence Darrigade dans leur maison, envahie de centaines d'objets chinés. Leur premier achat date de leur mariage, une pièce du service Tunis pour se faire plaisir car ils aiment les belles choses. C’est le début d'une recherche incessante. Ils constatent : « Sans être complète, car rien ne l'est jamais, notre collection est aujourd'hui suffisamment riche pour être montrée au public, et cela nous réjouit. »

Dans la pièce voisine, sont exposées aux murs des dizaines d'assiettes et plats de toutes dimensions et thèmes. Sur un meuble, les premières pièces datent de Lahens et Rateau imitant les modèles anglais de Wedgwood. Sont exposés également des pièces identiques car issues des mêmes moules mais de différentes époques Lahens et Rateau, David Johnston, Jules Vieillard. Elles ne sont pas datées, seule la marque est indiquée. Comme les moules, les décors peuvent être utilisés d'une époque à l'autre, peuvent se chevaucher. Par exemple, certaines pièces à décor « tapisserie » ou à décor « turc » ont été produites à la fois par David Johnston ou Jules Vieillard.

L'étage présente une collection de céramique bleu caranza, les objets sont classés par thèmes : horloges, gourdes, moutardiers, assiettes d'inspiration chinoise ou japonaise, cache pots, vases. L'exposition est aussi vaste que celle de la salle précédente, colorée, diverse, précieuse.

Pour les amateurs de faïences et d'antiquités, une exposition à ne pas manquer.

Martine Lapeyrolerie