Le jardin des délices

Les mythes et les légendes ont, de tout temps, nourri l'imaginaire des hommes. Ils sont d'autant plus parlants quand ils sont incarnés sur une toile.

 

Galerie des Offices de Florence

Il était une fois un jardin mythique et merveilleux où règne un printemps éternel, où l'air est doux, où des nymphes habillées de voiles transparents s'ébattent. Le jardin des Hespérides est le cadre choisi par le peintre Botticelli. Cette toile célèbre exposée au Musée des Offices à Florence est intitulée Le Printemps. Symbolisme et allégorie célèbrent cette saison.

 

 

 

Ardeurs printanières

 

Vénus fut la déesse des jardins pour les Romains avant de symboliser l'amour, la beauté, la séduction. Souveraine de ce bosquet, elle se tient au centre du tableau un peu en arrière comme si elle voulait laisser passer sa suite. Son ventre arrondi porte la vie. Au-dessus, un angelot aux yeux bandés, son fils, décoche ses flèches. Éros (Cupidon pour les Romains) a traversé les siècles. De nombreux auteurs en ont donné des interprétations diverses. Au XIXe siècle, Freud se l'approprie pour définir dans sa théorie la pulsion de vie qui habite chaque être humain et qui prend toute son expression lors du renouveau de la nature.

 

À droite, un drame se noue. Zéphyr pénètre violemment dans le jardin au point que les arbres ploient. Il poursuit une nymphe habillée de voiles transparents. Elle regarde le dieu avec effroi. De sa bouche, tombent des fleurs. Elles se mêlent à celles qui décorent la robe de la femme qui marche à côté d'elle. Le peintre s'inspire des textes d'Ovide. Zéphyr, dans le repenti d'avoir, dans sa fougue, abusé la belle Chloris, lui attribue l'éternité en la faisant Flore, déesse des fleurs, symbole de fertilité et de renouveau. Sur la gauche les trois grâces Aglaé, Euphrosyne et Thalia, légèrement vêtues, dansent une ronde pleine de charme. Mercure, dieu protecteur, ferme le tableau sur la gauche.

 

 

 

Éclosion et magnificence

 

Dans ce jardin imaginaire, la nature est en fête. Le peintre s'inspire des odes du poète des Médicis, Angelo Politien qui décrit un lieu de paix et d'éternel printemps. Sur le tableau, lors des restaurations, ont été identifiées cinq cents espèces de plantes dont cent quatre-vingt-dix fleurs : marguerites, renoncules, violettes, iris, muguet etc...et trente-trois imaginaires. La voûte, qui recouvre les personnages, est faite d'orangers, référence aux pommes d'or du jardin mythique que certains situaient dans l’île de Chypre. Le calendrier romain honore Flore en lui consacrant le mois d'avril. De tout temps, la floraison du printemps a inspiré les poètes : « Les fleurs du printemps sont les rêves de l'hiver racontés le matin à la table des anges. » écrit le poète libanais Khalil Gibran.

 

 

 

Brise divine

 

Pour parfaire cette harmonieuse unité entre la nature et l'homme, les dieux sont là pour garantir la douceur du climat. Zéphyr, dieu du vent, gonfle ses joues pour en faire sortir des souffles chauds. L’étymologie  rend compte de sa provenance : région obscure de l'ouest. Il fut l'objet de culte et de sacrifices suivant l'effet voulu pour les récoltes. Il possède un autel à Athènes. Jean de la Fontaine l'évoque dans sa fable Le chêne et le roseau où il l'oppose à Aquilon, vent violent. Mercure, messager des Dieux, protège le jardin. On le reconnaît à ses sandales ailées ainsi qu'au caducée qu'il tient, la main droite levée. La mythologie antique raconte que Mercure aurait séparé d'une baguette deux serpents qui se battaient. Cet objet est devenu le symbole de la paix. Sur le tableau, il éloigne les nuages menaçants pour que ce lieu reste protégé éternellement.

 

Seules les odeurs enivrantes du printemps restent l'affaire de chacun. Le parfum d'une jacinthe, du mimosa, d'un brin de muguet sont autant de bonheurs éphémères de cette saison, la préférée pour 43 % des français.

 

Danielle Gardes