Mélodie en couleurs

Au royaume de la peintre Bernadette Serbat (D.R.)

 

Vivre une passion et la faire découvrir, plaisir pour les autres, plaisir pour soi-même.

 

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu. Pour Rimbaud, pour Verlaine, les voyelles étaient non seulement musique mais aussi couleur. Au début du XXe siècle, de nombreux peintres trouvèrent dans les notes leur inspiration. Kandinsky ou Charles.Blanc-Gatti avaient le don de synopsie. Ils affirmaient pouvoir associer à chaque instrument une couleur. Jaune la trompette, rouge le tuba, orange l'alto etc. Certains de leurs tableaux portent des noms révélateurs : Rêve d'amour (Liszt), Shéhérazade (Rimsky-Korsakoff), Chromophony ou encore L'orchestre. D'autres artistes comme Kupka, Braque ou Klee ont aussi multiplié dans leurs œuvres les références à la musique. Que de questions soulèvent ces correspondances entre son et couleur.

 

L'enfance de l'art

Bernadette Serbat est née à Port-Sainte-Marie, dans une famille de mélomanes. Ses berceuses : la musique classique qui baignait en permanence la maison. Ses premiers jeux : modeler, dans de la mie de pain, des personnages cocasses pour faire rire ses sœurs. Mais jouer et dessiner ne suffisent pas et les religieuses du collège l'attendent. Bien austères à son goût. Bientôt son père est convoqué, inacceptable de passer les cours de mathématiques à caricaturer les nonnes et leurs blanches cornettes ! Bernadette quitte l'établissement dont la directrice, horrifiée et charitable, affirme « qu'elle va brûler les dessins de l'enfant et prier pour son âme et son avenir. » Sans doute fut-elle exaucée. À compter de ce jour, Bernadette ira de succès en succès. Le Bac avec option Art, les Beaux-Arts à Toulouse où des enseignants d'exception ne cessent de nourrir sa passion. Neuf Premiers Prix et le Diplôme supérieur national des  Beaux-Arts. À chaque retour à la maison, le piano de sa sœur, Hélène Serbat, concertiste reconnue, renouvelle son inspiration.

 

Le festin de Babette

L'artiste se régale de mélodies et de peinture mais il faut aussi manger. Elle devient publiciste pour les laboratoires Bru. Encore un plus pour son imagination et son inventivité. Un mari photographe et novateur comme elle : finis les mariés rigides, pieds et têtes dans les fleurs figées des studios. Vive les amoureux ravis, cheveux au vent sur les bords de la Garonne. Une révolution ! Mais Bernadette « aime sa passion » même si elle est parfois dévorante. Son plus grand plaisir : la faire découvrir. Elle entre donc dans l'enseignement. Telle la Babette du film, désireuse de partager son mémorable festin, elle se sent porteuse d'une grande richesse. Savoir créer le beau à partir du ressenti. Être capable par ses couleurs, ses traits, de rendre les sons, les mouvements, les paysages, les états d'âme. Avoir la possibilité d'exprimer à travers son pinceau ce que l'on n'ose dire : bonheur, joie mais aussi tristesse. Alors toute sa vie Bernadette Serbat aura des élèves avec qui partager ses dons. Lors d'une exposition récente, elle croise Patrick Charrier, un de ses anciens protégés, devant la toile du jeune artiste elle lui dit simplement : « Je crois que l'élève a dépassé le maître. Merci, mission accomplie. »

 

Les couleurs de Babette

Passer devant l'atelier sans s'arrêter, impossible ! Les couleurs vous appellent. Aujourd'hui, après une mauvaise intoxication aux vapeurs de térébenthine, elle peint à l'acrylique De temps à autres cependant, elle ajoute une petite touche de son ancienne passion. Comment définir sa peinture ? Figurative? Abstraite ? Un savant mélange des deux. « Je recherche surtout la lumière et les couleurs. Je pars de la non figuration pour aller vers la figuration. Je crée d'abord une atmosphère qui découle tant de mes inspirations musicales que de mes voyages. Ensuite j'y place une attitude, une silhouette, un élément naturel. Une toile n'est jamais figée, j'habite au premier, facile de me lever pour ajouter ou changer quelque chose. » Ses créations : Venise, le Maroc, un triptyque sur le Vaisseau  Fantôme, un match de football, une corrida, tout ce qui est la vie, la couleur, tout ce qui bouge et qui chante. « L'autre jour, espérant remplir mes yeux de paysages extraordinaires je pars pour une charmante balade en avion. Au retour, rien ! Tout était gris, impossible. Mais nous repartirons par beau temps, alors... » Alors n'hésitez pas, entrez et laissez-vous entraîner par le mouvement et la musique dans le tourbillon des couleurs éclatantes. 

Dany Guillon

Peintures de Bernadette Serbat : Atelier galerie 14 rue Leopold Faye 47200 Marmande tel 05 53 20 91 85